THONART, Patrick (né en 1961) : "Il était une fois une Méchante Reine… malgré elle" (2011)

Il était une fois,
Une Méchante Reine…
Mal­gré elle.

Elle ne sen­tait jamais sous les ais­selles
Et, trop fière de sa ver­tu,
Elle ne sor­tait jamais les poubelles.

Le ver­nis som­bre qui lui laquait le cœur
Masquait, le jour, ses plus belles humeurs.
Il éclatait chaque soir en cristaux blessants
Qui, très lente­ment, lui pour­ris­sait le sang.

Pour­tant, elle avait été char­mante
Et, plus jeune, sans doute fraîche et ardente.

Mais aujourd'hui, ses petits la dis­aient Fol­coche,
Tant ils pen­saient dans leurs blessures
Qu'à chaque vipérine mor­sure de la Vipère,
Ils per­daient un peu plus de leur Mère.

Comme il se doit, elle avait mar­ié,
Avant que sa bon­té fut avar­iée,
Un Roi déchu au bar­bu col­lier.
L'histoire ne dit s'il était bon
Mais, reclus dans ses quartiers,
L'homme sans bras, au Salon, ne parais­sait pas.

Ils avaient dû con­naître l'amour,
Et la ten­dresse au point du jour.
Ils avaient dû con­naître la sueur,
Qui, du sexe, est la trace du bon­heur.
Ils s'étaient même repro­duits
(Per­son­ne ne dit s'ils ont joui).

Or, un soir que grondait l'orage,
La sauvagerie s'est invitée,
Comme un nègre riant,
Au tra­vers de l'oreiller.

Quelques mois plus tard passés,
Fleur de Lotus leur en est née.

A l'aube sur­prise, elle naquit belle et bien tournée,
Comme une femme déjà for­mée.
Le sein haut et la fesse négresse.
Elle était fine et sans bassesse.

Mais, si la Belle de ses atouts était déjà bien mûre,
La Reine ne lui lais­sa que de l'enfant la stature.

Dans l'étang où trop elle se mirait,
Sans âge, elle se lamen­tait :

Con­tre le pou­voir de Mère, elle ne pou­vait aller,
Qui, dans le jardin sans délice, voulait l'enfermer.

A quoi bon se bat­tre quand on est bonne fille ?
Elle fit donc sa gue­nille, du tis­su de sa mal­adie,
Et, au monde déçu, son vrai sourire elle ne mon­tra plus.

Les années passèrent, sans autres joies que délétères.
Et, si, dans beau­coup de con­tes, elle avait joué,
Ceux-là n'étaient pas de fée.

Pour­tant, dans son cœur nébuleux, vivait encore le feu,
De cette nuit sab­ba­tique où lui­sait la braise d'Afrique.
Elle le sen­tait, sans oser le dire.
Elle le masquait, craig­nant le pire.
Elle ne savait que faire de ce Print­emps,
Elle qui ne croy­ait plus aux mots du dedans.

Alors, comme un pan­tin trop maquil­lé,
Fleur de Lotus s'est approchée,
Des nénuphars où elle est née.
Au bord de l'eau, pro­fonde et sans mémoire
-où dans ses rêves noirs elle devait plonger-
Elle s'est soudain mise à danser…

Et le menuet trop pathé­tique
Dont la Reine ordon­nait la musique,

D'un tourne-cuisse s'est mué, en un bal­let sauvage, Timide mais gai,
Et il l'a regardée…

Paru dans…
non pub­lié (2011)

Infos qual­ité…
Statut : validé | mode d’édition : rédac­tion, édi­tion et icono­gra­phie | auteur : Patrick Thonart | crédits illus­tra­tions : DP.