ARAGON, Louis (1897–1982) : "Les mains d'Elsa" (1963)

Donne moi tes mains pour l’inquiétude
Donne moi tes mains dont j’ai tant rêvé
Dont j’ai tant rêvé dans ma soli­tude
Donne moi tes mains que je sois sauvé
Lorsque je les prends à mon pro­pre piège
De paume et de peur de hâte et d’émoi
Lorsque je les prends comme une eau de neige
Qui fond de partout dans mes mains à moi
Sauras tu jamais ce qui me tra­verse
Ce qui me boule­verse et qui m’envahit
Sauras tu jamais ce qui me transperce
Ce que j’ai trahi quand j’ai tres­sail­li
Ce que dit ain­si ce pro­fond lan­gage
Ce par­ler muet de sens ani­maux
Sans bouche et sans yeux miroir sans image
Ce frémir d’aimer qui n’a pas de mots
Sauras tu jamais ce que les doigts pensent
D’une proie entre eux un instant tenue
Sauras tu jamais ce que leur silence
Un éclair aura con­nu d’inconnu
Donne moi tes mains que mon coeur s’y forme
S’y taise le monde un moment
Donne moi tes mains que mon âme y dorme
Que mon âme y dorme éter­nelle­ment

Extrait de…
Le fou d’Elsa (1963)

Et dans wallonica.org…

Infos qual­ité…
Statut : validé | mode d’édition : partage, édi­tion et icono­gra­phie | source : recueil Le fou d’Elsa (1963)  | con­tribu­teur : Patrick Thonart | crédits illus­tra­tions : Elsa et Louis © radiofrance.fr/franceculture.