PREVERT, Jacques (1900–1977) : "Cet amour" (1946)

Cet amour
Si vio­lent
Si frag­ile
Si ten­dre
Si dés­espéré
Cet amour
Beau comme le jour
Et mau­vais comme le temps
Quand le temps est mau­vais
Cet amour si vrai
Cet amour si beau
Si heureux
Si joyeux
Et si dérisoire
Trem­blant de peur comme un enfant dans le noir
Et si sûr de lui
Comme un homme tran­quille au milieu de la nuit
Cet amour qui fai­sait peur aux autres
Qui les fai­sait par­ler
Qui les fai­sait blémir
Cet amour guet­té
Parce que nous le guet­tions
Traqué blessé piét­iné achevé nié oublié
Parce que nous l’avons traqué blessé piét­iné achevé nié oublié
Cet amour tout entier
Si vivant encore
Et tout ensoleil­lé
C’est le tien
C’est le mien
Celui qui a été Cette chose tou­jours nou­velles
Et qui n’a pas changé
Aus­si vraie qu’une plante
Aus­si trem­blante qu’un oiseau
Aus­si chaude aus­si vivante que l’été
Nous pou­vons tous les deux
Aller et revenir
Nous pou­vons oubli­er
Et puis nous ren­dormir
Nous réveiller souf­frir vieil­lir
Nous endormir encore
Rêver à la mort
Nous éveiller sourire et rire
Et raje­u­nir
Notre amour reste là
Têtu comme une bour­rique
Vivant comme le désir
Cru­el comme la mémoire
Bête comme les regrets
Ten­dre comme le sou­venir
Froid comme le mar­bre
Beau comme le jour
Frag­ile comme un enfant
Il nous regarde en souri­ant Et il nous par­le sans rien dire
Et moi j’écoute en trem­blant
Et je crie
Je crie pour toi
Je crie pour moi
Je te sup­plie
Pour toi pour moi et pour tous ceux qui s’aiment
Et qui se sont aimés
Oui je lui crie
Pour toi pour moi et pour tous les autres
Que je ne con­nais pas
Reste là
Là où tu es
Là où tu étais autre­fois
Reste là
Ne bouge pas
Ne t’en va pas
Nous qui sommes aimés
Nous t’avons oublié
Toi ne nous oublie pas
Nous n’avions que toi sur la terre
Ne nous laisse pas devenir froids
Beau­coup plus loin tou­jours
Et n’importe où
Donne-nous signe de vie
Beau­coup plus tard au coin d’un bois
Dans la forêt de la mémoire
Sur­gis soudain
Tends-nous la main
Et sauve-nous.

Extrait de…
Paroles (1946)

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Statut : validé | mode d’édition : partage, édi­tion et icono­gra­phie | source : recueil Paroles (1946) | con­tribu­teur : Patrick Thonart | crédits illus­tra­tions : DOISNEAU Robert, Le Bais­er de l'Hôtel de Ville, Paris 1950 © Robert Dois­neau / Edi­tions Racine.

OLIVER, Mary (1935–2019) : "Vers écrits en des temps d'obscurité croissante" (2012, trad. Patrick Thonart, 2023)

Chaque année, nous avons vu
com­ment
le monde som­bre

dans une argile riche, afin
de renaître.
Alors
pourquoi crier

aux pétales tombés sur le sol
de rester là,
quand on sait (et il faut le savoir)
com­bi­en la vital­ité de ce qui a été, est soeur

de la vital­ité de ce qui sera ?
Je ne dis pas
que c'est facile, mais
que faire d'autre

quand on pré­tend que l'amour que l'on porte au monde
est sincère ?

Alors, con­tin­uons, aus­si joyeux que pos­si­ble,
aujourd'hui, et que chaque jour croustille,

même si le soleil oscille vers l'est,
que les étangs sont froids et noirs,
et que les douceurs de l'année sont con­damnées.

Lines Written in the Days of Growing Darkness

Every year we have been
wit­ness to it: how the
world descends

into a rich mash, in order that
it may resume.
And there­fore
who would cry out

to the petals on the ground
to stay,
know­ing, as we must,
how the vivac­i­ty of what was, is mar­ried

to the vital­i­ty of what will be?
I don’t say
it’s easy, but what
else will do

if the love one claims to have for the world
be true?

So let us go on, cheer­ful­ly enough,
this and every crisp­ing day,

though the sun be swing­ing east,
and the ponds be cold and black,
and the sweets of the year be doomed.

Paru dans…
A Thou­sand Morn­ings (2012)

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Une Ourse dans le jardin (2023)

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Statut : validé | mode d’édition : tra­duc­tion, édi­tion et icono­gra­phie | source : A Thou­sand Morn­ings (2012) | tra­duc­teur : Patrick Thonart | crédits illus­tra­tions : © Béné­dicte Wesel.

ALLAIS, Alphonse (1854–1905) : "Complainte amoureuse" (1890)

Oui, dès l’instant que je vous vis,
Beauté féroce, vous me plûtes ;
De l’amour qu’en vos yeux je pris,
Sur-le-champ vous vous aperçûtes ;

Mais de quel air froid vous reçûtes
Tous les soins que pour vous je pris !
Com­bi­en de soupirs je rendis !
De quelle cru­auté vous fûtes !

Et quel pro­fond dédain vous eûtes
Pour les vœux que je vous offris !
En vain je pri­ai, je gémis :
Dans votre dureté vous sûtes

Mépris­er tout ce que je fis.
Même un jour je vous écriv­is
Un bil­let ten­dre que vous lûtes,
Et je ne sais com­ment vous pûtes

De sang-froid voir ce que j’y mis.
Ah! fal­lait-il que je vous visse,
Fal­lait-il que vous me plussiez,
Qu’ingénument je vous le disse,

Qu’avec orgueil vous vous tussiez !
Fal­lait-il que je vous aimasse,
Que vous me dés­espérassiez,
Et qu’en vain je m’opiniâtrasse,
Et que je vous idol­â­trasse
Pour que vous m’assassinassiez !

Extrait de…
Oeu­vres anthumes (antholo­gie posthume)

La Com­plainte amoureuse – "opus gram­mat­i­cale­ment déjan­té, met­tant en valeur le sub­jonc­tif – con­ju­gai­son injuste­ment délais­sée" (Allais) – a été adressée, vers 1890, à la danseuse Jeanne Avril, que Charles-Alphonse Allais voulait épouser, prob­a­ble­ment parce que les nouilles ne cuisent pas au jus de canne

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Statut : validé | mode d’édition : partage, édi­tion et icono­gra­phie | source : lecturiels.org | con­tribu­teur : Patrick Thonart | crédits illus­tra­tions : por­trait d'Alphonse Allais, pho­tographe non iden­ti­fié.

SABINO, Fernando (1923–2004) : "De tout, il resta trois choses" (1956)

De tout, il res­ta trois choses:
la cer­ti­tude que tout était en train
de com­mencer,
la cer­ti­tude qu'il fal­lait con­tin­uer,
la cer­ti­tude que cela serait inter­rompu
avant que d'être ter­miné.
Faire de l'interruption un nou­veau chemin,
faire de la chute un pas de danse,
faire de la peur un escalier,
du rêve, un pont,
de la recherche…
une ren­con­tre.

De tudo ficaram três coisas: a certeza de que ele esta­va sem­pre começan­do, a certeza de que era pre­ciso con­tin­uar e a certeza de que seria inter­rompi­do antes de ter­mi­nar. Faz­er da inter­rupção um cam­in­ho novo. Faz­er da que­da um pas­so de dança, do medo, uma esca­da, do son­ho, uma ponte,.da procu­ra, um encon­tro.

 

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O encon­tro mar­ca­do (1956)

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Statut : validé | mode d’édition : partage, édi­tion et icono­gra­phie | source : umanz.fr | con­tribu­teur : Patrick Thonart | crédits illus­tra­tions : © geekpopnews.com.br.

OLIVER, Mary (1935–2019) : "Que dire de plus" (2010, trad. Patrick Thonart, 2024)

Que dire que je n'aie déjà dit aupar­a­vant ?
Alors, je vais le répéter.
La feuille chante un chant.
La pierre est le vis­age de la patience.
Dans la riv­ière coule une his­toire infinie
et tu es quelque part au-dedans
et elle ne s'arrêtera pas avant que tout ne s'arrête.

Ton cœur est affairé, emmène-le au musée et à la
cham­bre de com­merce
mais emmène-le aus­si dans la forêt.
Le chant que tu entendais dans la feuille quand tu
étais enfant,
elle le chante tou­jours.
J'ai déjà vécu tant d'années, sep­tante-qua­tre déjà,
et la feuille chante tou­jours.

What can I say that I have not said before?
So I’ll say it again.
The leaf has a song in it.
Stone is the face of patience.
Inside the riv­er there is an unfin­ish­able sto­ry
and you are some­where in it
and it will nev­er end until all ends.

Take your busy heart to the art muse­um and the
cham­ber of com­merce
but take it also to the for­est.
The song you heard singing in the leaf when you
were a child
is singing still.
I am of years lived, so far, sev­en­ty-four,
and the leaf is singing still.

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Swan: Poems and Prose Poems (2010)

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Une Ourse dans le jardin (2023)

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Statut : validé | mode d’édition : tra­duc­tion, édi­tion et icono­gra­phie | source : Swan: Poems and Prose Poems (2010) | tra­duc­teur : Patrick Thonart | crédits illus­tra­tions : © Béné­dicte Wesel.

OLIVER, Mary (1935–2019) : "Le poète avec le visage dans les mains" (1992, trad. Patrick Thonart, 2024)

Tu veux pleur­er bruyam­ment sur tes
fautes. Mais – à dire vrai – le monde
n'a plus besoin de ce bruit-là.

Alors, si tu veux quand même le faire, que tu ne peux
t'en empêch­er, si ta belle bouche ne peux
rester fer­mée, au moins, va marcher seul dans

les quar­ante prairies et les quar­ante val­lons som­bres
où coulent les rochers, et l'eau ; va jusqu'à l'endroit où
les chutes explosent de leurs draps blancs

comme des folles, et trou­ve la cav­erne qui se cache der­rière
toute cette jubi­la­tion, toutes ces eaux en folie et tu pour­ras
rester là, par dessous, et hurler tout

ton saoul et rien n'en sera dérangé ; tu pour­ras
dévers­er ta peine pen­dant tout l'après-midi et, pour­tant,
sur une branche verte, l'aile à peine effleurée par

le brouil­lard léger des gout­telettes, la grive musi­ci­enne,
bom­bant sa poitrine tachetée, va chanter
la beauté dure et par­faite de toute chose.

The Poet with His Face in His Hands

You want to cry aloud for your
mis­takes. But to tell the truth the world
doesn’t need any­more of that sound.

So if you’re going to do it and can’t
stop your­self, if your pret­ty mouth can’t
hold it in, at least go by your­self across

the forty fields and the forty dark inclines
of rocks and water to the place where
the falls are fling­ing out their white sheets

like crazy, and there is a cave behind all that
jubi­la­tion and water fun and you can
stand there, under it, and roar all you

want and noth­ing will be dis­turbed; you can
drip with despair all after­noon and still,
on a green branch, its wings just light­ly touched

by the pass­ing foil of the water, the thrush,
puff­ing out its spot­ted breast, will sing
of the per­fect, stone-hard beau­ty of every­thing.

Paru dans…
New and Select­ed Poems, Vol­ume 2  (1992)

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Une Ourse dans le jardin (2023) et aus­si…

Mais la femme, la femme ; elle était tout entière tombée en elle-même, en avant, dans ses mains. C’était à l’angle de la rue Notre-Dame-des-Champs. Dès que je la vis, je me mis à marcher douce­ment. quand de pau­vres gens réfléchissent, on ne doit pas les déranger. Peut-être finiront-ils par trou­ver ce qu’ils cherchent.
La rue était vide ; son vide s’ennuyait, reti­rait mon pas de sous mes pieds et claquait avec lui, de l’autre côté de la rue, comme avec un sabot. La femme s’effraya, s’arracha d’elle-même. Trop vite, trop vio­lem­ment, de sorte que son vis­age res­ta dans ses deux mains.
Je pou­vais l’y voir, y voir sa forme creuse. cela me coû­ta un effort inouï de rester à ces mains, de ne pas regarder ce qui s’en était dépouil­lé. je frémis­sais de voir ain­si un vis­age du dedans, mais j’avais encore bien plus peur de la tête nue, écorchée, sans vis­age.

RILKE Rain­er-Maria, Les cahiers de Malte Lau­rids Brigge (1910)

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Statut : validé | mode d’édition : tra­duc­tion, édi­tion et icono­gra­phie | source : New and Select­ed Poems, Vol­ume 2 (1992) | tra­duc­teur : Patrick Thonart | crédits illus­tra­tions : © Béné­dicte Wesel.

GOUGAUD, Henri (1936–2024) : "Le temps de vivre" (1946)

A peine a‑t-on le temps de vivre
qu’on se retrou­ve cen­dre et givre
Adieu
Et pour­tant j’aurais tant à faire
avant que les mains de la terre
me fer­ment à jamais les yeux
Je voudrais faire un jour de gloire
d’une femme et d’une gui­tare
d’un arbre et d’un soleil d’été
Je voudrais faire une aube claire
pour voir jusqu’au bout de la terre
des hommes vivre en lib­erté
Assis entre deux équili­bres
dans ce monde qui se croit libre
et qui bâtit des miradors
je voudrais bien que nul ne meure
avant d’avoir un jour une heure
aimé toutes voiles dehors

A peine a‑t-on le temps de vivre
qu’on se retrou­ve cen­dre et givre
Adieu
Et pour­tant j’aurais tant à faire
avant que les mains de la terre
me fer­ment à jamais les yeux
De mes deux mains couleur d’argile
je voudrais bâtir une ville
blanche jusqu’au-dessus des toits
Elle serait belle comme une
chan­son du temps de la Com­mune
pétrie de bon­heur hors-la-loi
Et puis que le print­emps revi­enne
pour revoir à Paris sur peine
des enfants riant aux éclats
Lor­ca errant dans Barcelone
tan­dis que l’abeille bour­donne
dans la fraîche odeur des lilas

A peine a‑t-on le temps de vivre
qu’on se retrou­ve cen­dre et givre
Adieu
Et pour­tant j’aurais tant à faire
avant que les mains de la terre
me fer­ment à jamais les yeux

Extrait de…
Disque J'ai pas fini mon rêve (com­pi­la­tion, 2023)

Et dans wallonica.org :

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Statut : validé | mode d’édition : partage, édi­tion et icono­gra­phie | source : henrigougaud.com | con­tribu­teur : Patrick Thonart | crédits illus­tra­tions : cou­ver­ture du disque de Gougaud © illis­i­ble.

PREVERT, Jacques (1900–1977) : "Alicante" (1946)

Une orange sur la table
Ta robe sur le tapis
Et toi dans mon lit
Doux présent du présent
Fraîcheur de la nuit
Chaleur de ma vie.

Extrait de…
Paroles (1946)

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Statut : validé | mode d’édition : partage, édi­tion et icono­gra­phie | source : recueil Paroles (1946) | con­tribu­teur : Patrick Thonart | crédits illus­tra­tions : MATISSE Hen­ri, Nature morte à la dormeuse © suc­ces­sion Matisse / Nation­al Gallery of Art de Wash­ing­ton.

BECKETT, Samuel (1906–1989) : "Que ferais-je" (1978)

que ferais-je sans ce monde sans vis­age
sans ques­tions
où être ne dure qu'un instant où chaque instant
verse dans le vide dans l'oubli d'avoir été
sans cette onde où à la fin
corps et ombre ensem­ble s'engloutissent
que ferais-je sans ce silence gouf­fre des mur­mures
hale­tant furieux vers le sec­ours vers l'amour
sans ce ciel qui s'élève
sur la pous­sière de ses lests
que ferais-je je ferais comme hier comme aujourd'hui
regar­dant par mon hublot si je ne suis pas seul
à errer et à vir­er loin de toute vie
dans un espace pan­tin
sans voix par­mi les voix
enfer­mées avec moi

Extrait de…
Poèmes, suivi de mir­li­ton­nades (1978)

Et dans wallonica.org…

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Statut : validé | mode d’édition : partage, édi­tion et icono­gra­phie | source : recueil Poèmes, suivi de mir­li­ton­nades (1978) | con­tribu­teur : Patrick Thonart | crédits illus­tra­tions : © ozkok-sipa.

GOFFETTE, Guy (1947–2024) : "Dimanche de poissons" (1995)

   

Et puis un jour vient encore, un autre jour,
allonger la corde des jours per­dus
à reculer sans cesse devant la mon­tagne
des livres, des let­tres ; un jour
pro­pre et net, ouvert comme un lit, un quai
à l'heure des adieux – et le mou­choir qu'on tire
est le même qu'hier, où les larmes ont séché
- un lit de pier­res, et c'est là où nous sommes,
occupés à nous taire longue­ment,
à con­tem­pler par cœur la mer au pla­fond
comme les pois­sons rouges du bocal,
avec une fois de plus, une fois encore
tout un dimanche autour du cou.

Paru dans…
recueil Le pêcheur d'eau (Gal­li­mard, 1995)

Et dans wal­loni­ca…

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Statut : validé | mode d’édition : partage, édi­tion et icono­gra­phie | source : recueil Le pêcheur d'eau (1995) | con­tribu­teur : Karel Logist | crédits illus­tra­tions : © Philippe MATSAS/Opale/Leemage.

OLIVER, Mary (1935–2019) : "Aujourd'hui, je vole bas…" (2012, trad. Patrick Thonart, 2024)

Aujourd'hui, je vole bas et
je ne dis pas un mot.
Je laisse dormir tous les fétich­es de l'ambition.

Le monde tourne comme il se doit,
les abeilles du jardin bour­don­nent légère­ment,
les pois­sons saut­ent hors de l'eau, les moucherons se font manger.
Et ain­si de suite.

Mais aujourd'hui, je lève le pied.
Pais­i­ble comme une plume.
Je bouge à peine mais je par­cours
des dis­tances incroy­ables.

Le calme. Une des portes
d'entrée du tem­ple.

Today I’m fly­ing low and I’m
not say­ing a word
I’m let­ting all the voodoos of ambi­tion sleep.

The world goes on as it must,
the bees in the gar­den rum­bling a lit­tle,
the fish leap­ing, the gnats get­ting eat­en.
And so forth.

But I’m tak­ing the day off.
Qui­et as a feath­er.
I hard­ly move though real­ly I’m trav­el­ing
a ter­rif­ic dis­tance.

Still­ness. One of the doors
into the tem­ple.

Paru dans…
A Thou­sand Morn­ings (2012)

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Une Ourse dans le jardin (2023)

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Statut : validé | mode d’édition : tra­duc­tion, édi­tion et icono­gra­phie | source : A thou­sand Morn­ings (2012) | tra­duc­teur : Patrick Thonart | crédits illus­tra­tions : Angkor Vat (Cam­bodge) © Vecteezy.

OLIVER, Mary (1935–2019) : "Le jardinier" (2012, trad. Patrick Thonart, 2024)

Ai-je vécu assez ?
Ai-je aimé assez ?
Ai-je assez pen­sé aux Bonnes Actions et ai-je pu en tir­er une quel­conque con­clu­sion ?
Ai-je con­nu le bon­heur avec suff­isam­ment de grat­i­tude ?
Ai-je enduré la soli­tude avec dig­nité ?

Je dis tout ça mais peut-être ne fais-je que le penser.
En réal­ité, je pense prob­a­ble­ment trop.

Alors, je sors dans le jardin,
où le jar­dinier, dont on dit qu'il est un homme sim­ple,
s'occupe de ses enfants, les ros­es.

The Gardener

Have I lived enough?
Have I loved enough?
Have I con­sid­ered Right Action enough, have I come to any con­clu­sions?
Have I expe­ri­enced hap­pi­ness with suf­fi­cient grat­i­tude?
Have I endured lone­li­ness with grace?

I say this, or per­haps I’m just think­ing it.
Actu­al­ly, I prob­a­bly think too much.

Then I step out into the gar­den,
where the gar­den­er, who is said to be a sim­ple man,
is tend­ing his chil­dren, the ros­es.

Paru dans…
A Thou­sand Morn­ings (2012)

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Une Ourse dans le jardin (2023)

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Statut : validé | mode d’édition : tra­duc­tion, édi­tion et icono­gra­phie | source : A thou­sand Morn­ings (2012) | tra­duc­teur : Patrick Thonart | crédits illus­tra­tions : CLAUS E., Le vieux jar­dinier (vers 1886) © La Bover­ie, Liège.

FRANÇOIS, Rose-Marie (née en 1939) : "Sur le passage de Leiah" (1997)

   Jolis tis­sus lignés brû­lent la main qui les palpe, usurpatrice hon­teuse de l’innommable. Toi, tu portes rayures trans­vers­es, le fil de l’écriture.
   Il y avait place sur la planète, tu mon­tais l’escalier tour­nant, boule de feu, jar­retières éclos­es, sirène fendue à l’écart des becs de la plume ; épanouie ou absorbée, pleine ou gracile, la boucle cal­ligraphe.
   Pour châ­ti­ment la dis­tance, par­fois dis­soute en rêve quand le matin veut bien atten­dre le jardin. Alors, tu vas, lichen algues aux tem­pes, touffes de nuit sur les paroles, les for­mules tal­is­man­es. Deux garçons mon­tent la garde, filet sur l’épaule, ils comptent les stèles, font tomber les galets, nour­ris­sent les ser­pents des vires.

Paru dans…
recueil Répéter sa mort (1997)

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Statut : validé | mode d’édition : partage, édi­tion et icono­gra­phie | source : recueil Répéter sa mort (1997) | con­tribu­teur : Karel Logist | crédits illus­tra­tions : © Jean Poucet.

COCTEAU, Jean (1889–1963) : "L'âge ingrat" (1927)

Il revient à ma mémoire
Que l'enfance aux yeux trompeurs
Se cachait dans les armoires
Pour faire mourir de peur.

Ou bien que, der­rière un globe
Ter­restre, te sou­viens-tu
Elle tirait par la robe
Nos sœurs changées en stat­ues.

Tout se pas­sait sur des espèces d'acatènes
Savoir : des bicy­clettes bleu de ciel sans chaîne ;
On se lais­sait couler le long d'un mur
De l'âge ingrat dans l'âge mûr.

Que fîmes-nous couchés der­rière les gro­seilles ?
A vrai dire surtout des rires moqueurs.
Nos bouch­es fleuris­saient des filles les oreilles,
Près des grenouilles, mortes la main sur le cœur.

Extrait de…
Opéra (1927)

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Statut : validé | mode d’édition : partage, édi­tion et icono­gra­phie | source : recueil Opéra (1927) | con­tribu­teur : Patrick Thonart | crédits illus­tra­tions : en-tête, dessin de Jean Cocteau © Livre de poche.

NOAILLES, Anna de – (1876–1933) : "Parfois, quand j’aperçois mon flamboyant visage" (1924)

Par­fois, quand j’aperçois mon flam­boy­ant vis­age,
Lorsqu’il vient d’échapper à ta bouche et tes doigts,
Je ne recon­nais pas cette exul­tante image,
Et je con­tem­ple avec un déférent effroi

Cette beauté que je te dois !

Comme de bleus raisins mes noirs cheveux oscil­lent,
Ma joue est écar­late et mon œil qui jubile
mêle à sa calme joie un tri­om­phant main­tien ;
Je n’ai vu ce regard floris­sant et païen

Que chez les chèvres de Sicile !

Moment fier et sacré où, sevré de désir,
Mon cœur médi­tatif dans l’espace con­tem­ple
La seule vérité, dont nous sommes le tem­ple ;
Car que peut-il rester dans le monde à saisir
Pour ceux qui, pos­sé­dant leur univers ensem­ble,

Ont mis l’honneur dans le plaisir ?

Extrait de…
Poème de l'amour (1924)

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ARAGON, Louis (1897–1982) : "Que la vie en vaut la peine" (1954)

C’est une chose étrange à la fin que le monde
Un jour je m’en irai sans en avoir tout dit
Ces moments de bon­heur ces midi d’incendie
La nuit immense et noire aux déchirures blondes

Rien n’est si pré­cieux peut-être qu’on le croit
D’autres vien­nent
Ils ont le cœur que j’ai moi-même
Ils savent touch­er l’herbe et dire je vous aime
Et rêver dans le soir où s’éteignent des voix

D’autres qui refer­ont comme moi le voy­age
D’autres qui souriront d’un enfant ren­con­tré
Qui se retourneront pour leur nom mur­muré
D’autres qui lèveront les yeux vers les nuages

Il y aura tou­jours un cou­ple frémis­sant
Pour qui ce matin-là sera l’aube pre­mière
Il y aura tou­jours l’eau le vent la lumière
Rien ne passe après tout si ce n’est le pas­sant

C’est une chose au fond que je ne puis com­pren­dre
Cette peur de mourir que les gens ont en eux
Comme si ce n’était pas assez mer­veilleux
Que le ciel un moment nous ait paru si ten­dre

Oui je sais cela peut sem­bler court un moment
Nous sommes ain­si faits que la joie et la peine
Fuient comme un vin menteur de la coupe trop pleine
Et la mer à nos soifs n’est qu’un com­mence­ment

Mais pour­tant mal­gré tout mal­gré les temps farouch­es
Le sac lourd à l’échiné et le cœur dévasté
Cet impos­si­ble choix d’être et d’avoir été
Et la douleur qui laisse une ride à la bouche

Mal­gré la guerre et l’injustice et l’insomnie
Où l’on porte rongeant votre cœur ce renard
L’amertume et
Dieu sait si je l’ai pour ma part
Porté comme un enfant volé toute ma vie

Mal­gré la méchanceté des gens et les rires
Quand on trébuche et les mon­strueuses raisons
Qu’on vous oppose pour vous faire une prison
De ce qu’on aime et de ce qu’on croit un mar­tyre

Mal­gré les jours mau­dits qui sont des puits sans fond
Mal­gré ces nuits sans fin à regarder la haine
Mal­gré les enne­mis les com­pagnons de chaînes
Mon Dieu mon
Dieu qui ne savent pas ce qu’ils font

Mal­gré l’âge et lorsque soudain le cœur vous flanche
L’entourage prêt à tout croire à don­ner tort
Indif­fèrent à cette chose qui vous mord
Sim­ple his­toire de pren­dre sur vous sa revanche

La cru­auté générale et les saloperies
Qu’on vous jette on ne sait trop qui faisant école
Mal­gré ce qu’on a pen­sé souf­fert les idées folles
Sans pou­voir soulager d’une injure ou d’un cri

Cet enfer
Mal­gré tout cauchemars et blessures
Les sépa­ra­tions les deuils les cam­ou­flets
Et tout ce qu’on voulait pour­tant ce qu’on voulait
De toute sa croy­ance imbé­cile à l’azur

Mal­gré tout je vous dis que cette vie fut telle
Qu’à qui voudra m’entendre à qui je par­le ici
N’ayant plus sur la lèvre un seul mot que mer­ci
Je dirai mal­gré tout que cette vie fut belle

Extrait de…
Les yeux et la mémoire (1954)

Et dans wallonica.org…

Infos qual­ité…
Statut : validé | mode d’édition : partage, édi­tion et icono­gra­phie | source : recueil Les yeux et la mémoire (1954)  | con­tribu­teur : Patrick Thonart | crédits illus­tra­tions : © pho­to kipa.

ISTA, Georges (1874–1939) : "Li boukète èmacralèye" (1917)

C'esteut l'nut dè Noyé. Li Mame féve des boukètes.
Et tos les p'tits effants, ras­son­nés dilé l'feu,
Rin qu'à houmer l'odeûr qui mon­téve del pêlette,
Si sin­tient l'èwe al boque et s'ralètchient les deugts.

Qwand on costé del pâsse esteut djusse à l'idèye,
Li mame prindéve li pêle, elle hoyéve on p'tit cop,
Et puis houp ! li boukète è l'air féve ène dimèye
Et d'vins l'mitan del pêle ritouméve cou-z‑â haut.

— " Lèyiz'-m'on po sayi ! brèya li p'tite Mard­jène
Dji wadge dè l'ritourner d'adreut dè pru­mi cop !
Vos-alez vèye, Nosse Mame ! " Et volà nosse glawène
Qui prind l'pêle à deux mains, qui s'abahe on p'tit po,

Et rouf ! di totes sès fwèces elle èvole li boukète…
Elle l'èvola si bin qu'elle n'a mây ritoumé !
On qwèra tos costés, so l'armâ, podri l'pwette ;
On n'ritrova mây rin ! Ouisse aveut-elle passé ?

Tot l'monde se'l dumindéve, èt les c'méres dè vinâve
Si racon­tient tot bas, al nut, âtou dè feu,
Qui c'esteut seûr li Diâle qu'esteut catchi d'zos l'tâve
Et qui l'aveut mag­ni sins fé ni ène ni deux…

L'hiviér pas­sa. L'osté ram­i­na les verdeûres
Et les fiess­es di pârotche âs djoyeux crâmignons.
Tot l'monde aveut dèd­ja rou­vi ciste avin­teûre
Qwand li mére d'a Mard­jène fa r'blanqui ses pla­fonds.

Volà don l'bwègne Colas, blan­qui­heux sins parèye,
Qu'arive avou ses breuss­es, ses hâles et ses sèyês.
I c'minça dè bod­ji les p'titès bardah'rèyes
Qu'estient avâ l'manèdge ; i wès­ta les tâvlês

Qui pin­di­ent so les meûrs ; puis, mon­tant so s'halette,
I d'pinda l'grand mureu qui hâg­nive so l'djîvâ…
Et c'est podri l'mureu qu'on r'trova nosse boukète
Qu'esteut là d'poy six meus, co pus deûre qu'on vi clâ,

Neûre come on cou d'tchapê, reûde èco pé qu'ine bèye,
Frèsèye come ène vèye catche et, âdzeu d'tot çoulà,
Tote cov­iète di strons d'mohes, et tel'mint tchamossèye
Qu'elle aveut des poyèdges co pé qu'ène ango­ra !

LA BOUQUETTE ENSORCELÉE

C'était la nuit de Noël, la mère fai­sait des bou­quettes.
Et tous les petits enfants rassem­blés devant le feu,
Rien qu'à humer l'odeur qui mon­tait de la poêle
Sen­taient l'eau leur mon­ter à la bouche et se reléchaient les doigts.

Quand un côté de la pâte était juste à point,
La mère pre­nait la poêle et la sec­ouait un petit peu.
Et puis hop, la bou­quette en l'air fit une pirou­ette
Et au milieu de la poêle se retrou­vait cul vers le haut.

"Lais­sez-moi un peu essay­er, brail­la la petite Marie Jeanne,
Je parie que je vais la retourn­er du pre­mier coup.
Vous allez voir mère". Et voilà notre gamine
Qui prend la poêle à deux mains, qui s'abaisse un petit peu.

Et rouf ! De toutes ses forces elle env­ole la bou­quette.
Elle l'envola si bien qu'elle n'est jamais retombée.
On cher­cha tout côtés, sous l'armoire, au-dessus de la porte.
On ne retrou­va jamais rien. Où était-elle passée ?

Tout le monde se le deman­da et les com­mères du quarti­er
Se racon­taient tout bas, la nuit, autour du feu
Que c'était sure­ment le dia­ble qui s'était caché sous la table
Et qui l'avait mangé sans faire ni une ni deux…

L'hiver pas­sa, l'été rame­na les ver­dures
Et les fêtes de la paroisse et les joyeux cramignons.
Tout le monde avait déjà oublié cette aven­ture
Quand la mère de Marie Jeanne fit reblanchir ses pla­fonds.

Voilà donc le borgne Colas, badi­geon­neur sans pareil
Qui arrive avec ses bross­es, ses échelles et ses seaux.
Il com­mença par enlever les petits objets encom­brants
Qu'il y avait dans la mai­son. Il ôta les tableaux

Qui pendaient sur les murs puis, mon­tant sur l'escabeau,
Il décrocha le grand miroir qui s’étalait sur la chem­inée
Et c'est der­rière le miroir qu'on retrou­va notre bou­quette
Qui était là depuis six mois, encore plus dure qu'un vieux clou,

Noire comme un cul de cha­peau, encore plus raide qu'une quille,
Grêlée comme une vieille poire, et en plus de tout cela,
Toute cou­verte de cacas de mouch­es et telle­ment moisie,
Qu'elle avait des poils encore pire qu'un ango­ra.

Paru dans…
domaine pub­lic

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Statut : validé | mode d’édition : partage, édi­tion et icono­gra­phie | tra­duc­tion : domaine pub­lic | crédits illus­tra­tions : domaine pub­lic.

LANGSTON HUGUES, James Mercer (1901–1967) : "Je l'aimais…" (1926, trad. P. Thonart)

Je l'aimais.
Il m'a quit­té.
Il n'y a rien d'autre à dire.
Le poème se ter­mine,
Douce­ment,
Comme il a com­mencé, -
Je l'aimais.

(à F.S.)

(To F. S.)

I loved my friend.
He went away from me.
There’s noth­ing more to say.
The poem ends,
Soft as it began,—
I loved my friend.

Paru dans…
The Weary Blues (1926)

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Statut : validé | mode d’édition : tra­duc­tion, édi­tion et icono­gra­phie | source : The Weary Blues (1926) | tra­duc­teur : Patrick Thonart | crédits illus­tra­tions : © get­ty images.

NOUGÉ, Paul (1895–1967) : "Ne vous lamentez plus…" (1925)

NOUGÉ, Paul (1895–1967) : "Vos oreilles vous écoutent…" (1925)

OLIVER, Mary (1935–2019) : "J'étais très inquiète…" (2017, trad. Patrick Thonart, 2023)

J'étais très inquiète. Le jardin va-t-il repren­dre, les riv­ières
vont-elles couler dans la bonne direc­tion, la terre va-t-elle tourn­er
comme on lui a appris et, sinon, com­ment vais-je
cor­riger tout ça ?
Avais-je rai­son, me trompais-je, serais-je par­don­née,
puis-je faire mieux ?
Pour­rais-je un jour chanter, même les moineaux
savent chanter et moi, je suis plutôt
un cas dés­espéré.
Est-ce que ma vue baisse ou est-ce moi qui l'imagine,
vais-je souf­frir de rhu­ma­tismes,
attrap­er le tétanos, devenir démente ?
Finale­ment, j'ai vu que s'inquiéter ne menait nulle part.
Et j'ai lais­sé tomber. Et j'ai pris mon vieux corps
et je suis sor­tie dans le matin nou­veau,
et j'ai chan­té.

I worried

I wor­ried a lot. Will the gar­den grow, will the rivers
flow in the right direc­tion, will the earth turn
as it was taught, and if not how shall
I cor­rect it?
Was I right, was I wrong, will I be for­giv­en,
can I do bet­ter?
Will I ever be able to sing, even the spar­rows
can do it and I am, well,
hope­less.
Is my eye­sight fad­ing or am I just imag­in­ing it,
am I going to get rheuma­tism,
lock­jaw, demen­tia?
Final­ly, I saw that wor­ry­ing had come to noth­ing.
And gave it up. And took my old body
and went out into the morn­ing,
and sang.

Paru dans…
Devo­tions: The Select­ed Poems of Mary Oliv­er (2017)

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Une Ourse dans le jardin (2023)

Infos qual­ité…
Statut : validé | mode d’édition : tra­duc­tion, édi­tion et icono­gra­phie | source : Devo­tions: The Select­ed Poems of Mary Oliv­er (2017) | tra­duc­teur : Patrick Thonart | crédits illus­tra­tions : une sculp­ture de Béné­dicte Wesel © Benoît Naveau.