ELUARD, Paul (1895–1952) : "Ma morte vivante" (1947)

Dans mon cha­grin, rien n’est en mou­ve­ment
J’attends, per­son­ne ne vien­dra
Ni de jour, ni de nuit
Ni jamais plus de ce qui fut moi-même

Mes yeux se sont séparés de tes yeux
Ils per­dent leur con­fi­ance, ils per­dent leur lumière
Ma bouche s’est séparée de ta bouche
Ma bouche s’est séparée du plaisir
Et du sens de l’amour, et du sens de la vie
Mes mains se sont séparées de tes mains
Mes mains lais­sent tout échap­per
Mes pieds se sont séparés de tes pieds
Ils n’avanceront plus, il n’y a plus de route
Ils ne con­naîtront plus mon poids, ni le repos

Il m’est don­né de voir ma vie finir
Avec la tienne
Ma vie en ton pou­voir
Que j’ai crue infinie

Et l’avenir mon seul espoir c’est mon tombeau
Pareil au tien cerné d’un monde indif­férent
J’étais si près de toi que j’ai froid près des autres

Extrait de…
Le temps débor­de (1947, posth. 1963)

Et dans wallonica.org…

Infos qual­ité…
Statut : validé | mode d’édition : partage, édi­tion et icono­gra­phie | source : Le temps débor­de (1947)  | con­tribu­teur : Patrick Thonart | crédits illus­tra­tions : centre-pompidou.fr.