MELAGE (00) : L’âme belge, Poèmes pour le centenaire (recueil, 1930)

Rome avait mis son pied tri­om­phant sur le monde.
Rome jetait sa force orgueilleuse et pro­fonde
A l'assaut des Gaulois, à l'assaut des Ger­mains.
Le génie et la gloire ouvrent tous les chemins :
Les aigles s'éployaient sur l'Asie et l'Afrique,
Les légions touchaient aux grèves d'Armorique,
Et les peu­ples vain­cus fuyaient de toute part
Devant ce nom divin et ter­ri­ble : César.
Qui donc pou­vait encor, dressé comme une cible,
Braver le demi-dieu, affron­ter l'invincible !
C'est alors que jail­lit, sec­ouant les forêts,
Sec­ouant le som­meil frigide des marais,
Le for­mi­da­ble cri, le cri rauque et sauvage
De ceux qui préféraient la mort à l'esclavage,
Le cri sub­lime qui, vibrant comme l'airain,
Ebran­la les échos de la mer jusqu'au Rhin.
Et les chênes mous­sus sous leurs vieilles ramures,
Et les huttes croulant sous les noires ver­dures,
Virent pass­er, casqués de leurs cornes d'aurochs,
Fran­chissant les four­rés, les riv­ières, les rocs,
Héris­sés, mus­culeux, dar­d­ant toute leur force
Sous la nudité mate et rude de leur torse,
Les cent mille guer­ri­ers, suprêmes défenseurs
Du sol belge insulté par les envahisseurs […]

MÉLAGE (F.). L’âme belge. Poèmes pour le cen­te­naire. Carls­bourg, Édi­tion de la revue belge de péd­a­gogie, 1930 ; in‑4, 60 pp., broché, cou­ver­ture rem­pliée. Avec les illus­tra­tions du F. Mabin-Joseph.

"F." sig­ni­fie ici "Frère" : Les Frères des Ecoles Chré­ti­ennes (au Con­go depuis 1910) comp­tait en leur rang le frère Mélage, pre­mier biographe du frère Mutien-Marie (1841–1917), canon­isé par l'église catholique (30 jan­vi­er).

En savoir plus, sur la doc­u­men­ta…

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Statut : validé | mode d’édition : partage, édi­tion et icono­gra­phie | con­tribu­teur : Patrick Thonart.

ELUARD, Paul (1895–1952) : "Ma morte vivante" (1947)

Dans mon cha­grin, rien n’est en mou­ve­ment
J’attends, per­son­ne ne vien­dra
Ni de jour, ni de nuit
Ni jamais plus de ce qui fut moi-même

Mes yeux se sont séparés de tes yeux
Ils per­dent leur con­fi­ance, ils per­dent leur lumière
Ma bouche s’est séparée de ta bouche
Ma bouche s’est séparée du plaisir
Et du sens de l’amour, et du sens de la vie
Mes mains se sont séparées de tes mains
Mes mains lais­sent tout échap­per
Mes pieds se sont séparés de tes pieds
Ils n’avanceront plus, il n’y a plus de route
Ils ne con­naîtront plus mon poids, ni le repos

Il m’est don­né de voir ma vie finir
Avec la tienne
Ma vie en ton pou­voir
Que j’ai crue infinie

Et l’avenir mon seul espoir c’est mon tombeau
Pareil au tien cerné d’un monde indif­férent
J’étais si près de toi que j’ai froid près des autres

Extrait de…
Le temps débor­de (1947, posth. 1963)

Et dans wallonica.org…

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Statut : validé | mode d’édition : partage, édi­tion et icono­gra­phie | source : Le temps débor­de (1947)  | con­tribu­teur : Patrick Thonart | crédits illus­tra­tions : centre-pompidou.fr.

THONART, Patrick (né en 1961) : "Il était une fois une Méchante Reine… malgré elle" (2011)

Il était une fois,
Une Méchante Reine…
Mal­gré elle.

Elle ne sen­tait jamais sous les ais­selles
Et, trop fière de sa ver­tu,
Elle ne sor­tait jamais les poubelles.

Le ver­nis som­bre qui lui laquait le cœur
Masquait, le jour, ses plus belles humeurs.
Il éclatait chaque soir en cristaux blessants
Qui, très lente­ment, lui pour­ris­sait le sang.

Pour­tant, elle avait été char­mante
Et, plus jeune, sans doute fraîche et ardente.

Mais aujourd'hui, ses petits la dis­aient Fol­coche,
Tant ils pen­saient dans leurs blessures
Qu'à chaque vipérine mor­sure de la Vipère,
Ils per­daient un peu plus de leur Mère.

Comme il se doit, elle avait mar­ié,
Avant que sa bon­té fut avar­iée,
Un Roi déchu au bar­bu col­lier.
L'histoire ne dit s'il était bon
Mais, reclus dans ses quartiers,
L'homme sans bras, au Salon, ne parais­sait pas.

Ils avaient dû con­naître l'amour,
Et la ten­dresse au point du jour.
Ils avaient dû con­naître la sueur,
Qui, du sexe, est la trace du bon­heur.
Ils s'étaient même repro­duits
(Per­son­ne ne dit s'ils ont joui).

Or, un soir que grondait l'orage,
La sauvagerie s'est invitée,
Comme un nègre riant,
Au tra­vers de l'oreiller.

Quelques mois plus tard passés,
Fleur de Lotus leur en est née.

A l'aube sur­prise, elle naquit belle et bien tournée,
Comme une femme déjà for­mée.
Le sein haut et la fesse négresse.
Elle était fine et sans bassesse.

Mais, si la Belle de ses atouts était déjà bien mûre,
La Reine ne lui lais­sa que de l'enfant la stature.

Dans l'étang où trop elle se mirait,
Sans âge, elle se lamen­tait :

Con­tre le pou­voir de Mère, elle ne pou­vait aller,
Qui, dans le jardin sans délice, voulait l'enfermer.

A quoi bon se bat­tre quand on est bonne fille ?
Elle fit donc sa gue­nille, du tis­su de sa mal­adie,
Et, au monde déçu, son vrai sourire elle ne mon­tra plus.

Les années passèrent, sans autres joies que délétères.
Et, si, dans beau­coup de con­tes, elle avait joué,
Ceux-là n'étaient pas de fée.

Pour­tant, dans son cœur nébuleux, vivait encore le feu,
De cette nuit sab­ba­tique où lui­sait la braise d'Afrique.
Elle le sen­tait, sans oser le dire.
Elle le masquait, craig­nant le pire.
Elle ne savait que faire de ce Print­emps,
Elle qui ne croy­ait plus aux mots du dedans.

Alors, comme un pan­tin trop maquil­lé,
Fleur de Lotus s'est approchée,
Des nénuphars où elle est née.
Au bord de l'eau, pro­fonde et sans mémoire
-où dans ses rêves noirs elle devait plonger-
Elle s'est soudain mise à danser…

Et le menuet trop pathé­tique
Dont la Reine ordon­nait la musique,

D'un tourne-cuisse s'est mué, en un bal­let sauvage, Timide mais gai,
Et il l'a regardée…

Paru dans…
non pub­lié (2011)

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Statut : validé | mode d’édition : rédac­tion, édi­tion et icono­gra­phie | auteur : Patrick Thonart | crédits illus­tra­tions : DP.

RENARD, Colette (1924–2010) et al. : "Les nuits d'une demoiselle" (1963)

Que c'est bon d'être demoi­selle
Car le soir, dans mon petit lit
Quand l'étoile Vénus étin­celle
Quand douce­ment tombe la nuit

Je me fais sucer la frian­dise
Je me fais caress­er le gar­don
Je me fais empeser la chemise
Je me fais picor­er le bon­bon

Je me fais frot­ter la pénin­sule
Je me fais bélin­er le joy­au
Je me fais rem­plir le vestibule
Je me fais ramon­er l'abricot

Je me fais far­cir la mot­telette
Je me fais cou­vrir le rigon­do­nne
Je me fais gon­fler la mou­flette
Je me fais don­ner le picotin

Je me fais lamin­er l'écrevisse
Je me fais foy­er le cœur fendu
Je me fais tailler la pelisse
Je me fais planter le mont velu

Je me fais bri­quer le casse-noisettes
Je me fais mamour­er le bibelot
Je me fais sabr­er la sucette
Je me fais reluire le berlin­got

Je me fais gauler la mignardise
Je me fais rafraîchir le tison
Je me fais grossir la cerise
Je me fais nour­rir le héris­son

Je me fais chevauch­er la chosette
Je me fais cha­touiller le bijou
Je me fais bricol­er la cli­quette
Je me fais gâter le matou

Mais vous me deman­derez peut-être
ce que je fais le jour durant
Oh, cela tient en peu de let­tres, le jour,
je baise, tout sim­ple­ment

Extrait de…
Disque La foraine (1963)
Chan­son et paroles disponibles sur youtube.com…

La chan­son est une com­po­si­tion col­lec­tive de Colette RENARD, Guy BRETON et Ray­mond LEGRAND.

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Statut : validé | mode d’édition : partage, édi­tion et icono­gra­phie | source : disque La foraine (1963) | con­tribu­teur : Patrick Thonart | crédits illus­tra­tions : © purepeople.com.

RUTEBEUF (1230?-1280) : "Que sont mes amis devenus" (n.d.)

Que sont mes amis devenus
Que j'avais de si près tenus
Et tant aimés
Ils ont été trop clairsemés
Je crois le vent les a ôtés
L'amour est morte
Ce sont amis que vent me porte
Et il ven­tait devant ma porte
Les empor­ta

Avec le temps qu'arbre défeuille
Quand il ne reste en branche feuille
Qui n'aille à terre
Avec pau­vreté qui m'atterre
Qui de partout me fait la guerre
Au temps d'hiver
Ne con­vient pas que vous racon­te
Com­ment je me suis mis à honte
En quelle manière

Que sont mes amis devenus
Que j'avais de si près tenus
Et tant aimés
Ils ont été trop clairsemés
Je crois le vent les a ôtés
L'amour est morte
Le mal ne sait pas seul venir
Tout ce qui m'était à venir
M'est advenu

Pau­vre sens et pau­vre mémoire
M'a Dieu don­né, le roi de gloire
Et pau­vre rente
Et droit au cul quand bise vente
Le vent me vient, le vent m'évente
L'amour est morte
Ce sont amis que vent emporte
Et il ven­tait devant ma porte
Les empor­ta.

Extrait de…
Oeu­vres com­plètes (2001)

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Statut : validé | mode d’édition : partage, édi­tion et icono­gra­phie | source : Rute­beuf, Oeu­vres com­plètes  | con­tribu­teur : Patrick Thonart | crédits illus­tra­tions : © DP.

THIRY, Marcel (1897–1977) : "La Hollandaise" (1925)

La Hol­landaise avait à cause de ses îles
Un arôme men­tal de can­nelle et de thé ;
Par des Indes sa voix nous parais­sait han­tée
Et ver­sait à nos coeurs l'espoir des beaux exils.

Des femmes font penser à des bar­ques ; mais elle,
Avec sa marche égale et sa tran­quil­lité,
Evo­quait, sur un moite océan, la mon­tée
Calme d'un paque­bot pro­filé sur le ciel.

Les jeunes gens surtout sen­taient à son pas­sage
Comme un appel de ce mar­itime infi­ni,
Et son corps les ten­tait comme une colonie ;

Cepen­dant elle allait, sans fièvre et les yeux sages,
Par­mi ce rêve et ces désirs d'elle insai­sis,
Et traî­nait sans savoir son sil­lage d'Asie.

Paru dans…
son­net paru dans le recueil Plongeantes proues (1925, réédité dans le recueil Tra­ver­sées, Espace Nord, 2002)

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Statut : validé | mode d’édition : partage, édi­tion et icono­gra­phie | source : recueil Plongeantes proues (1925) | con­tribu­teur : Patrick Thonart | En-tête : VERMEER Johannes, La jeune fille à la per­le (détail, 1665).

PREVERT, Jacques (1900–1977) : "Cet amour" (1946)

Cet amour
Si vio­lent
Si frag­ile
Si ten­dre
Si dés­espéré
Cet amour
Beau comme le jour
Et mau­vais comme le temps
Quand le temps est mau­vais
Cet amour si vrai
Cet amour si beau
Si heureux
Si joyeux
Et si dérisoire
Trem­blant de peur comme un enfant dans le noir
Et si sûr de lui
Comme un homme tran­quille au milieu de la nuit
Cet amour qui fai­sait peur aux autres
Qui les fai­sait par­ler
Qui les fai­sait blémir
Cet amour guet­té
Parce que nous le guet­tions
Traqué blessé piét­iné achevé nié oublié
Parce que nous l’avons traqué blessé piét­iné achevé nié oublié
Cet amour tout entier
Si vivant encore
Et tout ensoleil­lé
C’est le tien
C’est le mien
Celui qui a été Cette chose tou­jours nou­velles
Et qui n’a pas changé
Aus­si vraie qu’une plante
Aus­si trem­blante qu’un oiseau
Aus­si chaude aus­si vivante que l’été
Nous pou­vons tous les deux
Aller et revenir
Nous pou­vons oubli­er
Et puis nous ren­dormir
Nous réveiller souf­frir vieil­lir
Nous endormir encore
Rêver à la mort
Nous éveiller sourire et rire
Et raje­u­nir
Notre amour reste là
Têtu comme une bour­rique
Vivant comme le désir
Cru­el comme la mémoire
Bête comme les regrets
Ten­dre comme le sou­venir
Froid comme le mar­bre
Beau comme le jour
Frag­ile comme un enfant
Il nous regarde en souri­ant Et il nous par­le sans rien dire
Et moi j’écoute en trem­blant
Et je crie
Je crie pour toi
Je crie pour moi
Je te sup­plie
Pour toi pour moi et pour tous ceux qui s’aiment
Et qui se sont aimés
Oui je lui crie
Pour toi pour moi et pour tous les autres
Que je ne con­nais pas
Reste là
Là où tu es
Là où tu étais autre­fois
Reste là
Ne bouge pas
Ne t’en va pas
Nous qui sommes aimés
Nous t’avons oublié
Toi ne nous oublie pas
Nous n’avions que toi sur la terre
Ne nous laisse pas devenir froids
Beau­coup plus loin tou­jours
Et n’importe où
Donne-nous signe de vie
Beau­coup plus tard au coin d’un bois
Dans la forêt de la mémoire
Sur­gis soudain
Tends-nous la main
Et sauve-nous.

Extrait de…
Paroles (1946)

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Statut : validé | mode d’édition : partage, édi­tion et icono­gra­phie | source : recueil Paroles (1946) | con­tribu­teur : Patrick Thonart | crédits illus­tra­tions : DOISNEAU Robert, Le Bais­er de l'Hôtel de Ville, Paris 1950 © Robert Dois­neau / Edi­tions Racine.

OLIVER, Mary (1935–2019) : "Vers écrits en des temps d'obscurité croissante" (2012, trad. Patrick Thonart, 2023)

Chaque année, nous avons vu
com­ment
le monde som­bre

dans une argile riche, afin
de renaître.
Alors
pourquoi crier

aux pétales tombés sur le sol
de rester là,
quand on sait (et il faut le savoir)
com­bi­en la vital­ité de ce qui a été, est soeur

de la vital­ité de ce qui sera ?
Je ne dis pas
que c'est facile, mais
que faire d'autre

quand on pré­tend que l'amour que l'on porte au monde
est sincère ?

Alors, con­tin­uons, aus­si joyeux que pos­si­ble,
aujourd'hui, et que chaque jour croustille,

même si le soleil oscille vers l'est,
que les étangs sont froids et noirs,
et que les douceurs de l'année sont con­damnées.

Lines Written in the Days of Growing Darkness

Every year we have been
wit­ness to it: how the
world descends

into a rich mash, in order that
it may resume.
And there­fore
who would cry out

to the petals on the ground
to stay,
know­ing, as we must,
how the vivac­i­ty of what was, is mar­ried

to the vital­i­ty of what will be?
I don’t say
it’s easy, but what
else will do

if the love one claims to have for the world
be true?

So let us go on, cheer­ful­ly enough,
this and every crisp­ing day,

though the sun be swing­ing east,
and the ponds be cold and black,
and the sweets of the year be doomed.

Paru dans…
A Thou­sand Morn­ings (2012)

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Une Ourse dans le jardin (2023)

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Statut : validé | mode d’édition : tra­duc­tion, édi­tion et icono­gra­phie | source : A Thou­sand Morn­ings (2012) | tra­duc­teur : Patrick Thonart | crédits illus­tra­tions : © Béné­dicte Wesel.

ALLAIS, Alphonse (1854–1905) : "Complainte amoureuse" (1890)

Oui, dès l’instant que je vous vis,
Beauté féroce, vous me plûtes ;
De l’amour qu’en vos yeux je pris,
Sur-le-champ vous vous aperçûtes ;

Mais de quel air froid vous reçûtes
Tous les soins que pour vous je pris !
Com­bi­en de soupirs je rendis !
De quelle cru­auté vous fûtes !

Et quel pro­fond dédain vous eûtes
Pour les vœux que je vous offris !
En vain je pri­ai, je gémis :
Dans votre dureté vous sûtes

Mépris­er tout ce que je fis.
Même un jour je vous écriv­is
Un bil­let ten­dre que vous lûtes,
Et je ne sais com­ment vous pûtes

De sang-froid voir ce que j’y mis.
Ah! fal­lait-il que je vous visse,
Fal­lait-il que vous me plussiez,
Qu’ingénument je vous le disse,

Qu’avec orgueil vous vous tussiez !
Fal­lait-il que je vous aimasse,
Que vous me dés­espérassiez,
Et qu’en vain je m’opiniâtrasse,
Et que je vous idol­â­trasse
Pour que vous m’assassinassiez !

Extrait de…
Oeu­vres anthumes (antholo­gie posthume)

La Com­plainte amoureuse – "opus gram­mat­i­cale­ment déjan­té, met­tant en valeur le sub­jonc­tif – con­ju­gai­son injuste­ment délais­sée" (Allais) – a été adressée, vers 1890, à la danseuse Jeanne Avril, que Charles-Alphonse Allais voulait épouser, prob­a­ble­ment parce que les nouilles ne cuisent pas au jus de canne

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Statut : validé | mode d’édition : partage, édi­tion et icono­gra­phie | source : lecturiels.org | con­tribu­teur : Patrick Thonart | crédits illus­tra­tions : por­trait d'Alphonse Allais, pho­tographe non iden­ti­fié.

SABINO, Fernando (1923–2004) : "De tout, il resta trois choses" (1956)

De tout, il res­ta trois choses:
la cer­ti­tude que tout était en train
de com­mencer,
la cer­ti­tude qu'il fal­lait con­tin­uer,
la cer­ti­tude que cela serait inter­rompu
avant que d'être ter­miné.
Faire de l'interruption un nou­veau chemin,
faire de la chute un pas de danse,
faire de la peur un escalier,
du rêve, un pont,
de la recherche…
une ren­con­tre.

De tudo ficaram três coisas: a certeza de que ele esta­va sem­pre começan­do, a certeza de que era pre­ciso con­tin­uar e a certeza de que seria inter­rompi­do antes de ter­mi­nar. Faz­er da inter­rupção um cam­in­ho novo. Faz­er da que­da um pas­so de dança, do medo, uma esca­da, do son­ho, uma ponte,.da procu­ra, um encon­tro.

 

Paru dans…
O encon­tro mar­ca­do (1956)

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Statut : validé | mode d’édition : partage, édi­tion et icono­gra­phie | source : umanz.fr | con­tribu­teur : Patrick Thonart | crédits illus­tra­tions : © geekpopnews.com.br.

OLIVER, Mary (1935–2019) : "Que dire de plus" (2010, trad. Patrick Thonart, 2024)

Que dire que je n'aie déjà dit aupar­a­vant ?
Alors, je vais le répéter.
La feuille chante un chant.
La pierre est le vis­age de la patience.
Dans la riv­ière coule une his­toire infinie
et tu es quelque part au-dedans
et elle ne s'arrêtera pas avant que tout ne s'arrête.

Ton cœur est affairé, emmène-le au musée et à la
cham­bre de com­merce
mais emmène-le aus­si dans la forêt.
Le chant que tu entendais dans la feuille quand tu
étais enfant,
elle le chante tou­jours.
J'ai déjà vécu tant d'années, sep­tante-qua­tre déjà,
et la feuille chante tou­jours.

What can I say that I have not said before?
So I’ll say it again.
The leaf has a song in it.
Stone is the face of patience.
Inside the riv­er there is an unfin­ish­able sto­ry
and you are some­where in it
and it will nev­er end until all ends.

Take your busy heart to the art muse­um and the
cham­ber of com­merce
but take it also to the for­est.
The song you heard singing in the leaf when you
were a child
is singing still.
I am of years lived, so far, sev­en­ty-four,
and the leaf is singing still.

Paru dans…
Swan: Poems and Prose Poems (2010)

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Une Ourse dans le jardin (2023)

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Statut : validé | mode d’édition : tra­duc­tion, édi­tion et icono­gra­phie | source : Swan: Poems and Prose Poems (2010) | tra­duc­teur : Patrick Thonart | crédits illus­tra­tions : © Béné­dicte Wesel.

OLIVER, Mary (1935–2019) : "Le poète avec le visage dans les mains" (2005, trad. Patrick Thonart, 2024)

Tu veux pleur­er bruyam­ment sur tes
fautes. Mais – à dire vrai – le monde
n'a plus besoin de ce bruit-là.

Alors, si tu veux quand même le faire, que tu ne peux
t'en empêch­er, si ta belle bouche ne peux
rester fer­mée, au moins, va marcher seul dans

les quar­ante prairies et les quar­ante val­lons som­bres
où coulent les rochers, et l'eau ; va jusqu'à l'endroit où
les chutes explosent de leurs draps blancs

comme des folles, et trou­ve la cav­erne qui se cache der­rière
toute cette jubi­la­tion, toutes ces eaux en folie et tu pour­ras
rester là, par dessous, et hurler tout

ton saoul et rien n'en sera dérangé ; tu pour­ras
dévers­er ta peine pen­dant tout l'après-midi et, pour­tant,
sur une branche verte, l'aile à peine effleurée par

le brouil­lard léger des gout­telettes, la grive musi­ci­enne,
bom­bant sa poitrine tachetée, va chanter
la beauté dure et par­faite de toute chose.

The Poet with His Face in His Hands

You want to cry aloud for your
mis­takes. But to tell the truth the world
doesn’t need any­more of that sound.

So if you’re going to do it and can’t
stop your­self, if your pret­ty mouth can’t
hold it in, at least go by your­self across

the forty fields and the forty dark inclines
of rocks and water to the place where
the falls are fling­ing out their white sheets

like crazy, and there is a cave behind all that
jubi­la­tion and water fun and you can
stand there, under it, and roar all you

want and noth­ing will be dis­turbed; you can
drip with despair all after­noon and still,
on a green branch, its wings just light­ly touched

by the pass­ing foil of the water, the thrush,
puff­ing out its spot­ted breast, will sing
of the per­fect, stone-hard beau­ty of every­thing.

Paru dans…
New and Select­ed Poems, Vol­ume 2  (2005)

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Une Ourse dans le jardin (2023) et aus­si…

Mais la femme, la femme ; elle était tout entière tombée en elle-même, en avant, dans ses mains. C’était à l’angle de la rue Notre-Dame-des-Champs. Dès que je la vis, je me mis à marcher douce­ment. quand de pau­vres gens réfléchissent, on ne doit pas les déranger. Peut-être finiront-ils par trou­ver ce qu’ils cherchent.
La rue était vide ; son vide s’ennuyait, reti­rait mon pas de sous mes pieds et claquait avec lui, de l’autre côté de la rue, comme avec un sabot. La femme s’effraya, s’arracha d’elle-même. Trop vite, trop vio­lem­ment, de sorte que son vis­age res­ta dans ses deux mains.
Je pou­vais l’y voir, y voir sa forme creuse. cela me coû­ta un effort inouï de rester à ces mains, de ne pas regarder ce qui s’en était dépouil­lé. je frémis­sais de voir ain­si un vis­age du dedans, mais j’avais encore bien plus peur de la tête nue, écorchée, sans vis­age.

RILKE Rain­er-Maria, Les cahiers de Malte Lau­rids Brigge (1910)

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Statut : validé | mode d’édition : tra­duc­tion, édi­tion et icono­gra­phie | source : New and Select­ed Poems, Vol­ume 2 (1992) | tra­duc­teur : Patrick Thonart | crédits illus­tra­tions : © Béné­dicte Wesel.

THONART, Patrick (né en 1961) : "Christiane part, comme par Henri" (2024)

De la fleur blanche
à la rose rouge,
tu as vécu cachée,
comme une pen­sée
au pied du tour­nesol.

De la fleur blanche
à la rose rouge,
tu as chan­té colère,
comme un moineau
face aux cor­beaux.

De la fleur blanche
à la rose rouge,
tu as marché cassée,
comme le jonc brisé
dans trop de tem­pêtes.

De la fleur blanche
à la rose rouge,
tu as aimé goulu,
comme la grenouille
au pied du bœuf.

De la fleur blanche
à la rose rouge,
tu as fêté la nuit,
mal­gré les rats
quand ils débor­daient.

De la fleur blanche
à la rose rouge,
tu as aimé les tiens,
comme le rami­er
les bour­geons petits.

Mais, quand l'horizon
a frap­pé à la porte,
tu as pris con­gé,
comme la fleur blanche
qui se retire…

Paru dans…
non pub­lié (2024), écrit à l'occasion de la dis­pari­tion de Chris­tiane Ste­fan­s­ki, le 6 mai 2024, par­tie le même jour que le paroli­er-con­teur Hen­ri Gougaud.

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Statut : validé | mode d’édition : rédac­tion, édi­tion et icono­gra­phie | auteur : Patrick Thonart | crédits illus­tra­tions : © Chris­tiane Ste­fan­s­ki.

GOUGAUD, Henri (1936–2024) : "Le temps de vivre" (1946)

A peine a‑t-on le temps de vivre
qu’on se retrou­ve cen­dre et givre
Adieu
Et pour­tant j’aurais tant à faire
avant que les mains de la terre
me fer­ment à jamais les yeux
Je voudrais faire un jour de gloire
d’une femme et d’une gui­tare
d’un arbre et d’un soleil d’été
Je voudrais faire une aube claire
pour voir jusqu’au bout de la terre
des hommes vivre en lib­erté
Assis entre deux équili­bres
dans ce monde qui se croit libre
et qui bâtit des miradors
je voudrais bien que nul ne meure
avant d’avoir un jour une heure
aimé toutes voiles dehors

A peine a‑t-on le temps de vivre
qu’on se retrou­ve cen­dre et givre
Adieu
Et pour­tant j’aurais tant à faire
avant que les mains de la terre
me fer­ment à jamais les yeux
De mes deux mains couleur d’argile
je voudrais bâtir une ville
blanche jusqu’au-dessus des toits
Elle serait belle comme une
chan­son du temps de la Com­mune
pétrie de bon­heur hors-la-loi
Et puis que le print­emps revi­enne
pour revoir à Paris sur peine
des enfants riant aux éclats
Lor­ca errant dans Barcelone
tan­dis que l’abeille bour­donne
dans la fraîche odeur des lilas

A peine a‑t-on le temps de vivre
qu’on se retrou­ve cen­dre et givre
Adieu
Et pour­tant j’aurais tant à faire
avant que les mains de la terre
me fer­ment à jamais les yeux

Extrait de…
Disque J'ai pas fini mon rêve (com­pi­la­tion, 2023)

Et dans wallonica.org :

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Statut : validé | mode d’édition : partage, édi­tion et icono­gra­phie | source : henrigougaud.com | con­tribu­teur : Patrick Thonart | crédits illus­tra­tions : cou­ver­ture du disque de Gougaud © illis­i­ble.

PREVERT, Jacques (1900–1977) : "Alicante" (1946)

Une orange sur la table
Ta robe sur le tapis
Et toi dans mon lit
Doux présent du présent
Fraîcheur de la nuit
Chaleur de ma vie.

Extrait de…
Paroles (1946)

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Statut : validé | mode d’édition : partage, édi­tion et icono­gra­phie | source : recueil Paroles (1946) | con­tribu­teur : Patrick Thonart | crédits illus­tra­tions : MATISSE Hen­ri, Nature morte à la dormeuse © suc­ces­sion Matisse / Nation­al Gallery of Art de Wash­ing­ton.

BECKETT, Samuel (1906–1989) : "Que ferais-je" (1978)

que ferais-je sans ce monde sans vis­age
sans ques­tions
où être ne dure qu'un instant où chaque instant
verse dans le vide dans l'oubli d'avoir été
sans cette onde où à la fin
corps et ombre ensem­ble s'engloutissent
que ferais-je sans ce silence gouf­fre des mur­mures
hale­tant furieux vers le sec­ours vers l'amour
sans ce ciel qui s'élève
sur la pous­sière de ses lests
que ferais-je je ferais comme hier comme aujourd'hui
regar­dant par mon hublot si je ne suis pas seul
à errer et à vir­er loin de toute vie
dans un espace pan­tin
sans voix par­mi les voix
enfer­mées avec moi

Extrait de…
Poèmes, suivi de mir­li­ton­nades (1978)

Et dans wallonica.org…

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Statut : validé | mode d’édition : partage, édi­tion et icono­gra­phie | source : recueil Poèmes, suivi de mir­li­ton­nades (1978) | con­tribu­teur : Patrick Thonart | crédits illus­tra­tions : © ozkok-sipa.

NIZET, Marie (1859–1922) : "La bouche" (1923, posth.)

La bouche

Ni sa pen­sée, en vol vers moi par tant de lieues,
Ni le ray­on qui court sur son front de lumière,
Ni sa beauté de jeune dieu qui la pre­mière
Me ten­ta, ni ses yeux – ces deux caress­es bleues ;

Ni son cou ni ses bras, ni rien de ce qu'on touche,
Ni rien de ce qu'on voit de lui ne vaut sa bouche
Où l'on meurt de plaisir et qui s'acharne à mor­dre,

Sa bouche de fraîcheur, de délices, de flamme,
Fleur de volup­té, de lux­u­re et de désor­dre,
Qui vous vide le coeur et vous boit jusqu'à l'âme…

Paru dans…
recueil Pour Axel de Mis­sié (1923)

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Statut : validé | mode d’édition : partage, édi­tion et icono­gra­phie | source : recueil Pour Axel de Missie (2000) | con­tribu­teur : Patrick Thonart | crédits illus­tra­tions : CORREGGIO Anto­nio (1490–1534), Por­trait d'un jeune homme © arthive.com.

OLIVER, Mary (1935–2019) : "Aujourd'hui, je vole bas…" (2012, trad. Patrick Thonart, 2024)

Aujourd'hui, je vole bas et
je ne dis pas un mot.
Je laisse dormir tous les fétich­es de l'ambition.

Le monde tourne comme il se doit,
les abeilles du jardin bour­don­nent légère­ment,
les pois­sons saut­ent hors de l'eau, les moucherons se font manger.
Et ain­si de suite.

Mais aujourd'hui, je lève le pied.
Pais­i­ble comme une plume.
Je bouge à peine mais je par­cours
des dis­tances incroy­ables.

Le calme. Une des portes
d'entrée du tem­ple.

Today I’m fly­ing low and I’m
not say­ing a word
I’m let­ting all the voodoos of ambi­tion sleep.

The world goes on as it must,
the bees in the gar­den rum­bling a lit­tle,
the fish leap­ing, the gnats get­ting eat­en.
And so forth.

But I’m tak­ing the day off.
Qui­et as a feath­er.
I hard­ly move though real­ly I’m trav­el­ing
a ter­rif­ic dis­tance.

Still­ness. One of the doors
into the tem­ple.

Paru dans…
A Thou­sand Morn­ings (2012)

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Une Ourse dans le jardin (2023)

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Statut : validé | mode d’édition : tra­duc­tion, édi­tion et icono­gra­phie | source : A thou­sand Morn­ings (2012) | tra­duc­teur : Patrick Thonart | crédits illus­tra­tions : Angkor Vat (Cam­bodge) © Vecteezy.

OLIVER, Mary (1935–2019) : "Le jardinier" (2012, trad. Patrick Thonart, 2024)

Ai-je vécu assez ?
Ai-je aimé assez ?
Ai-je assez pen­sé aux Bonnes Actions et ai-je pu en tir­er une quel­conque con­clu­sion ?
Ai-je con­nu le bon­heur avec suff­isam­ment de grat­i­tude ?
Ai-je enduré la soli­tude avec dig­nité ?

Je dis tout ça mais peut-être ne fais-je que le penser.
En réal­ité, je pense prob­a­ble­ment trop.

Alors, je sors dans le jardin,
où le jar­dinier, dont on dit qu'il est un homme sim­ple,
s'occupe de ses enfants, les ros­es.

The Gardener

Have I lived enough?
Have I loved enough?
Have I con­sid­ered Right Action enough, have I come to any con­clu­sions?
Have I expe­ri­enced hap­pi­ness with suf­fi­cient grat­i­tude?
Have I endured lone­li­ness with grace?

I say this, or per­haps I’m just think­ing it.
Actu­al­ly, I prob­a­bly think too much.

Then I step out into the gar­den,
where the gar­den­er, who is said to be a sim­ple man,
is tend­ing his chil­dren, the ros­es.

Paru dans…
A Thou­sand Morn­ings (2012)

Affich­er le recueil dans la poet­i­ca…
Une Ourse dans le jardin (2023)

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Statut : validé | mode d’édition : tra­duc­tion, édi­tion et icono­gra­phie | source : A thou­sand Morn­ings (2012) | tra­duc­teur : Patrick Thonart | crédits illus­tra­tions : CLAUS E., Le vieux jar­dinier (vers 1886) © La Bover­ie, Liège.

DEMOULIN, Laurent (né en 1966) : "Génération perdue" (1998)

À mon âge, mon père avait déjà quit­té ma mère et épousé sa sec­onde femme.
Plusieurs enfants por­taient son nom.
Tan­dis que je vais seul sur la vieille route, sans descen­dance et sans avenir.
À mon âge, mon grand-père avait déjà conçu le plan de livres
Dont je ne com­prends même pas le titre et qui se vendent tou­jours,
Trente ans après sa mort, dis­crète­ment, sur la terre, à des uni­ver­si­taires con­scien­cieux.
Et je traîne ma vie entre deux bières avec amis qui, comme moi, écrivent sans pro­jet,
Jouent de la musique sans con­naître le solfège et font trop peu l'amour.
À mon âge, mon père en était à son troisième méti­er.
Il avait claqué la porte, comme le vent la voile, au large de plusieurs boîtes.
À mon âge, mon fils aimera déjà la femme qui pleur­era à son enter­re­ment,
Comme le père de mon père à celui de la mère de mon père.
Et, je vais seul de loy­er en loy­er, homme neuf, fils de per­son­ne, sans descen­dance et sans avenir.
À mon âge, mon grand-père impo­sait déjà le respect
Son des­tin était gravé dans son cœur de mar­bre
Et le monde était un livre où il ne lui restait plus qu'à recopi­er à la plume
Un texte écrit avant sa nais­sance.
Tan­dis que mon cœur est grif­fé
Et que le monde tout autour ressem­ble plus à des cartes que l'on bat sans cesse
Qu'à un livre blanc.
À mon âge, mon grand-père avait déjà été sacré roi
Et mon père avait déjà pris la Bastille,
À mon âge, mon grand-père réc­i­tait des iambes grecs solide­ment ryth­més.
Mon père les pre­miers poèmes libérés de la rime.
À mon âge, mon fils et ses amis réin­ven­teront enfin la poésie,
Elle remon­tera au Par­nasse dans leur sil­lage vic­to­rieux.
Je n'ai plus qu'à les atten­dre.

Paru dans…
Nou­velle poésie en pays de Liège (antholo­gie, 1998)

Et dans wal­loni­ca…

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Statut : validé | mode d’édition : partage, édi­tion et icono­gra­phie | source : Nou­velle poésie en pays de Liège (Antholo­gie, 1998) | con­tribu­teur : Patrick Thonart | crédits illus­tra­tions : © ULiège – B. Bouck­aert.

COCTEAU, Jean (1889–1963) : "L'âge ingrat" (1927)

Il revient à ma mémoire
Que l'enfance aux yeux trompeurs
Se cachait dans les armoires
Pour faire mourir de peur.

Ou bien que, der­rière un globe
Ter­restre, te sou­viens-tu
Elle tirait par la robe
Nos sœurs changées en stat­ues.

Tout se pas­sait sur des espèces d'acatènes
Savoir : des bicy­clettes bleu de ciel sans chaîne ;
On se lais­sait couler le long d'un mur
De l'âge ingrat dans l'âge mûr.

Que fîmes-nous couchés der­rière les gro­seilles ?
A vrai dire surtout des rires moqueurs.
Nos bouch­es fleuris­saient des filles les oreilles,
Près des grenouilles, mortes la main sur le cœur.

Extrait de…
Opéra (1927)

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Statut : validé | mode d’édition : partage, édi­tion et icono­gra­phie | source : recueil Opéra (1927) | con­tribu­teur : Patrick Thonart | crédits illus­tra­tions : en-tête, dessin de Jean Cocteau © Livre de poche.