Les croisés
L'Orient est trop loin sur les routes du monde :
Nous ne verrons jamais les portes du Saint-Lieu.
- Mais c'est Dieu qui fait signe à l'Occident qui gronde:
Frères, Dieu le veut! Dieu le veut !
Le soleil des déserts nous tuera de ses fièvres :
Qui calmera la soif des marcheurs aux abois ?
- Mais l'eau pure toujours abreuvera vos lèvres,
Celle qui jaillit de la Croix.
Nous tomberons là-bas par centaines de mille :
Les Sultans sont des dieux, les Turcs sont des démons.
- Mais le sang des martyrs n'est jamais inutile,
Mais la Foi transporte les monts !
Alors, l'épée au flanc et la croix sur l'épaule,
Un peuple de guerriers s'ébranla tout puissant,
Car ce tombeau lointain l'aimantait comme un pôle,
Le tombeau captif du Croissant.
Les tours, les minarets, à la voix des prophètes,
Se hérissaient en vain sous le choc des béliers :
Les assauts de géants étaient les rouges fêtes
Où triomphaient les chevaliers.
Ils se jetaient bardés dans la sainte bataille,
Raillaient les Sarrazins, provoquaient leur fureur,
Joyeux, sous le haubert et la cotte de maille,
D'être sans reproche et sans peur.
L'éclair des durendals, sans repos et sans trêve,
Fauchait les rangs paiëns comme on fauche des blés
Et les faucheurs, fourbus, ne suspendaient leur glaive
Que sur les remparts écroulés.
Escortés de captifs aux soumissions viles,
Terribles, à grand coups d'estoc et d'étriers,
Ils faisaient se courber les tentes et les villes
Sous le pas des lourds destriers.
Antioche, Byzance, Ascalon, Tyr, Edesse,
Gloires de Mahomet, croulaient de toutes parts,
Et l'étendard du Christ, messager d'allégresse,
Faisait fuir tous les étendards.
Mais leurs chefs, Godefroid, Baudouin, Thierry d'Alsace,
Le front dans la poussière, imploraient des pardons,
Ajoutaient Dieu lui-même à l'incroyable audace
Des lances et des espadons ;
Et lorsqu'ils triomphaient dans la lutte suprême
Lorsque Jérusalem ouvrait ses portes d'or,
Ils voulaient que le Christ fût le seul diadème
Qui nimbât leur sanglant effort.
Ô siècles merveilleux, dont la haute épopée
Jeta de tels reflets qu'ils traversent les temps !
Prodigieux guerriers dont la pesante épée
Faisait trembler tous les sultans !
C'est la chanson du fer qui sonnait dans les âmes,
Et lorsque, proche ou loin, apparaissait la Croix,
L'héroïsme exaltait les hommes et les femmes :
Mais ce temps se nomme Autrefois.
MÉLAGE (F.). L’âme belge. Poèmes pour le centenaire. Carlsbourg, Édition de la revue belge de pédagogie, 1930 ; in‑4, 60 pp., broché, couverture rempliée. Avec les illustrations du F. Mabin-Joseph.
"F." signifie ici "Frère" : Les Frères des Ecoles Chrétiennes (au Congo depuis 1910) comptait en leur rang le frère Mélage, premier biographe du frère Mutien-Marie (1841–1917), canonisé par l'église catholique (30 janvier).
En savoir plus, sur la documenta…
Infos qualité…
Statut : validé | mode d’édition : partage, édition et iconographie | contributeur : Patrick Thonart.
Dans ce recueil :
- MELAGE (00) : L’âme belge, Poèmes pour le centenaire (recueil, 1930)
- MELAGE (01) : "L'aube sanglante" (1930)
- MELAGE (02) : "La pacifique conquête" (1930)
- MELAGE (03) : "Les Croisés" (1930)
- MELAGE (04) : "Jacques van Artevelde" (1930)
- MELAGE (05) : "La cloche du beffroi" (1930)
- MELAGE (06) : "Les Primitifs" (1930)
- MELAGE (07) : "Les Gueux" (1930)
- MELAGE (08) : "La science" (1930)
- MELAGE (09) : "La Vendée belge" (1930)
- MELAGE (10) : "1830" (1930)
- MELAGE (11) : "A l'ombre du drapeau" (1930)
- MELAGE (12) : "Ceux qui sont morts" (1930)