MELAGE (11) : "A l'ombre du drapeau" (1930)

A l'ombre du drapeau

L'ombre du dra­peau tri­col­ore
Dans ce grand siè­cle fit éclore
Toutes les fleurs et tous les fruits :
L'Art, la Sci­ence et l'industrie
Ont mis au front de la Patrie
Leur Guir­lande jamais flétrie,
OEu­vre des jours, oeu­vre des nuits.

Obstiné­ment penchés sur leurs sables revêch­es,
Raidis­sant tout l'effort de leurs bras mus­culeux,
Les Flan­driens têtus poussent pro­fond leurs bêch­es
Autour des hauts moulins dressés sous les ciels bleus.

L'Ardenne défend mal sa cuirasse de schiste
Qu'entament le labeur savant et le pro­grès,
La sci­ence dis­sout l'obstacle qui résiste,
Et la cognée abat la toi­son des forêts.

0 Campine ! tristesse auguste de la lande !
Rêve de la bruyère où rit le feu fol­let !
Pour vous insér­er mieux dans la vaste Guir­lande,
Hélas ! Dumont noircit l'horizon vio­let.

Le Con­droz, la Hes­baye ont leurs plaines immenses
Où l'éclair de la faulx zèbre l'or des moissons,
Où le semeur qui songe en jetant ses semences
Ecoute bruire au loin la vie et ses chan­sons.

   Probes tra­vailleurs de la terre,
   Pour­suiv­ez votre tâche austère
   Qui fait du pain pour nos enfants :
   L'ombre du dra­peau tri­col­ore,
   A chaque soir, à chaque aurore,
   Pro­tège de sa gloire encore
   Le labeur de la paix des champs.

Il faut que l'idéal se fiance à la force :
L'honneur de l'opulence est de mon­ter plus haut,
Il faut oeu­vr­er du poing, et du bras, et du torse,
Mais il faut ce bla­son : le labeur du cerveau.

L'oeil du savant sonde la vie et ses mys­tères,
Le chercheur hale­tant veut hâter le pro­grès,
L'astronome pour­suit dans leurs orbes les sphères,
Et le penseur pour­suit ses prob­lèmes abstraits.

Voici les écrivains, les tri­buns, les poètes,
Qui sont rois au pays du verbe tri­om­phant.
Et voici les semeurs qui se font d'humbles fêtes
D'ensemencer le coeur du peu­ple et de l'enfant.

Pour achev­er enfin la Guir­lande splen­dide
Qui te fait, ô Patrie ! un renom exalté,
Toutes les voix de l'Art, hymne large ou can­dide,
Autour des trois grands rois chantent dans la beauté.

C'est une âme qui chante et qui vibre ;
L'âme d'un petit peu­ple libre
Vengé de ses mal­heurs loin­tains,
Et tan­dis qu'un chan­cre dévore
Plus d'un géant au nom sonore,
L'ombre du dra­peau tri­col­ore
Abrite la vigueur de nos jeunes des­tins.

MÉLAGE (F.). L’âme belge. Poèmes pour le cen­te­naire. Carls­bourg, Édi­tion de la revue belge de péd­a­gogie, 1930 ; in‑4, 60 pp., broché, cou­ver­ture rem­pliée. Avec les illus­tra­tions du F. Mabin-Joseph.

"F." sig­ni­fie ici "Frère" : Les Frères des Ecoles Chré­ti­ennes (au Con­go depuis 1910) comp­tait en leur rang le frère Mélage, pre­mier biographe du frère Mutien-Marie (1841–1917), canon­isé par l'église catholique (30 jan­vi­er).

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Statut : validé | mode d’édition : partage, édi­tion et icono­gra­phie | con­tribu­teur : Patrick Thonart.