BOUMAL, Louis (1890–1918) : "Ne rouvre pas ce livre, il fait mal…" (1917)

Ne rou­vre pas ce livre, il fait mal. Il ressem­ble
Aux fruits cueil­lis trop verts que l’on goûte par jeu.
À l’heure où le grand vent souf­flera dans les trem­bles
Il ne faut pas le lire assise auprès du feu.

Observe la flam­bée et son rire dans l’âtre ;
Écoute la sai­son qui frappe à tes volets ;
Surtout ne mêle point ma douleur opiniâtre
Au rêve si léger de tes pre­miers regrets.

Et s’il te sou­ve­nait des étranges paroles
Qu’un soir j’ai pu te dire au temps clair des lilas,
Oh ! ne les redis pas ! Les feuilles étaient folles
Et le cha­grin trop lourd hal­lu­ci­nait mes pas.

Mais plus tard, quand au vent s’égrènera ta vie,
Quand tu t’arrêteras lasse d’avoir souf­fert,
Et que tu sauras bien que ne t’ont pas suiv­ie
L’amour et l’amitié jusqu’au seuil de l’hiver,

Alors, ô mon amie, assise au coin du feu,
Relisant ce poème où notre amour fut sage,
Tu con­naî­tras le sens pro­fond de mon aveu
Et l’acide saveur des airelles sauvages.

Alver­inghem, 3 août 1917

En savoir plus, sur wallonica.org

Infos qual­ité…
Statut : validé | mode d’édition : partage, édi­tion et icono­gra­phie | source : arti­cle en l'hommage de Louis Boumal, suivi de qua­tre poèmes de ce dernier, pub­lié dans la revue Jardins, revue créée par Jules Gille, pour la "défense et illus­tra­tion" de la poésie française (1930) | con­tribu­teur : Patrick Thonart | crédits illus­tra­tions : © AMI.