ALLAIS, Alphonse (1854–1905) : "Complainte amoureuse" (1890)

Oui, dès l’instant que je vous vis,
Beauté féroce, vous me plûtes ;
De l’amour qu’en vos yeux je pris,
Sur-le-champ vous vous aperçûtes ;

Mais de quel air froid vous reçûtes
Tous les soins que pour vous je pris !
Com­bi­en de soupirs je rendis !
De quelle cru­auté vous fûtes !

Et quel pro­fond dédain vous eûtes
Pour les vœux que je vous offris !
En vain je pri­ai, je gémis :
Dans votre dureté vous sûtes

Mépris­er tout ce que je fis.
Même un jour je vous écriv­is
Un bil­let ten­dre que vous lûtes,
Et je ne sais com­ment vous pûtes

De sang-froid voir ce que j’y mis.
Ah! fal­lait-il que je vous visse,
Fal­lait-il que vous me plussiez,
Qu’ingénument je vous le disse,

Qu’avec orgueil vous vous tussiez !
Fal­lait-il que je vous aimasse,
Que vous me dés­espérassiez,
Et qu’en vain je m’opiniâtrasse,
Et que je vous idol­â­trasse
Pour que vous m’assassinassiez !

Extrait de…
Oeu­vres anthumes (antholo­gie posthume)

La Com­plainte amoureuse – "opus gram­mat­i­cale­ment déjan­té, met­tant en valeur le sub­jonc­tif – con­ju­gai­son injuste­ment délais­sée" (Allais) – a été adressée, vers 1890, à la danseuse Jeanne Avril, que Charles-Alphonse Allais voulait épouser, prob­a­ble­ment parce que les nouilles ne cuisent pas au jus de canne

Infos qual­ité…
Statut : validé | mode d’édition : partage, édi­tion et icono­gra­phie | source : lecturiels.org | con­tribu­teur : Patrick Thonart | crédits illus­tra­tions : por­trait d'Alphonse Allais, pho­tographe non iden­ti­fié.