HULSE, Michael (né en 1955) : "La mère des batailles" (1991, trad. C. Pagnoulle et A. Gérard)

1. Bombardement

I

Dame du cyprès et du cèdre
Dame du pays entre les fleuves
Dame du silence des pier­res
silence pous­siéreux dans l’oliveraie
silence pous­siéreux dans le vig­no­ble il
tri­mait toute la mat­inée toute
l’après-midi le soir il dit
tu ressem­bles à Madon­na à Mar­i­lyn
Mon­roe à Gre­ta Gar­bo à Jean
Har­low il dit tes seins
sont comme des grappes de dattes comme
des grappes de raisins sur la vigne
comme des grappes de bombes qui s’écrasent
la voix du B52 se fait enten­dre dans le pays

II

Dame du pays entre les fleuves
Dame d’Uruk et de Baby­lone
des souks des allées des ruelles
recoins secrets des escaliers fentes
dans le rocher refuges souter­rains
silence pous­siéreux dans l’oliveraie
silence pous­siéreux dans le vig­no­ble il
tri­mait toute la mat­inée toute
l’après-midi le soir il dit
c’est comme pour bais­er faut
vis­er juste mon pays c’est
pour toi et alors tes bombes elles l’aplatiront

III

Dame des armées et des amours
Dame des eaux et de la terre
Dame des strato­forter­ess­es
qui se déchar­gent sur Nasiriyeh il
savait tous les recoins secrets savait la fente
le poster détach­able la réso­lu­tion de l’ONU
il dit que c’était ajusté comme un noy­au
dans une pêche il dit que ta chat­te fal­lait
qu’elle soit le magot le plus juteux
où il avait jamais misé sa paie
faut qu’on l’entube ce trou du cul
allez sur le ven­tre Madame
hé Sad­dam le 52e
s’amène s’amène
sodome sodome

IV

Dame de la mauve et de l’anis en brous­saille
Dame des silences pous­siéreux
de l’oliveraie du fleuve du vig­no­ble
il plan­qua ta culotte odor­ante dans son casque
le par­fum de tes faveurs lui don­nait du cœur
tuer devint plaisir, Noble Dame
toute la mat­inée toute l’après-midi oh
Dame du jardin et le
soir il dit je voudrais être mort
je voudrais être avec ceux
qui gisent dans un étui en plas­tique à tirette
et glis­sent dans un som­meil dont ils ne s’éveilleront pas

2. La Danse du Masque à Gaz

I

Gar­cia m’a dit qu’il a sur lui des cartes
cartes noires cartes de mort
as de pique j’ai dit
pourquoi cinq et pas cinquante
Gar­cia a dit que d’après ses comptes
il y avait toutes les chances qu’il soit
en six­ième posi­tion pour la faucheuse
il enrage qu’on lui laisse pas porter
son foulard Ram­bo il a lais­sé son sperme
con­gelé à San Diego
ain­si donc
je suis assise au soleil
à net­toy­er mon M‑16 et
je me sens immortelle
je chan­tonne l’air du
baladeur mer­veilleux
con­seiller et je suis
loin de la scène au
Koweït je suis dans une autre
vie et je suis sous la table
avec Sal­vador et j’embrasse
sa chair comestible doux Jésus
fais que je sur­vive que je
ren­tre vivante que l’on me
jette encore hors du Bistro
Toc­queville chez nous à Dray­ton
oh je
veux con­naître la chair
le corps et le sang
je veux mon pro­pre messie et
son nom ne sera pas
Nor­man Schwarzkopf
là plus loin
ce mec c’est Brinkof­s­ki
avec ses lunettes noires de mafioso
il traîne son M‑60
et son héli­con l’air
super cool je l’adore
vous pas ?

II

Je n’arrête pas de me dire
que je suis immortelle immortelle
je ne puis oubli­er
le berg­er que j’ai vu dans
la tem­pête de sable l’autre matin
pour la pro­téger il enfouis­sait
une chèvre dans les plis
de sa cape stoïque
notre jeep ren­trait au camp
et il y avait Gar­cia
et Eddie Dumuzi
qui dan­saient la Danse du Masque à Gaz
se con­tor­sion­nant comme si
leurs ten­dons étaient coupés mais
que la vie les agi­tait encore de spasmes
ain­si donc
proclamez-moi immortelle au soleil
la déesse du M‑16
il faut bien net­toy­er son arme
et je con­tin­ue à chanter tout haut
méprisée et rejetée
Gar­cia Dumuzi
je vous adore
Dumuzi
rassem­ble les sta­tis­tiques
il m’a dit que les soucis
éveil­lent Schwarzkopf
15 à 20 fois par nuit
j’ai dit dis-moi Eddie tu veux
dire qu’il lui arrive de dormir

III

Proclamez-moi immortelle
mon corps est étanche
je me sens bien dans mon body
bottes tenue de cam­pagne
avec ma cein­ture et mon couteau
mon M‑16 mon baladeur
je suis vivante
et je vais descen­dre
à l’abîme
au palais
de lapis lazuli

3. La descente

I

Elle descen­dit au palais de lapis lazuli
l’abîme le monde d’en-bas la grande fos­se

à la pre­mière porte
il lui prit les écou­teurs des oreilles
détacha le baladeur de sa cein­ture

pourquoi m’as-tu pris le baladeur
une femme a besoin de sa musique il lui faut
les rythmes du corps il lui faut les
rythmes de l’esprit

silence Inan­na
telle est la loi du monde d’en-bas
il faut obéir à la loi

II

Elle descen­dit au palais de lapis lazuli
l’abîme le monde d’en-bas la grande fos­se

à la deux­ième porte
il lui prit le M‑16 des mains
enl­e­va le chargeur

pourquoi m’as-tu pris mon M‑16
on ne t’a rien appris une
femme a besoin de son arme veut sen­tir
qu’elle peut se défendre

silence Inan­na
telle est la loi du monde d’en-bas
il faut obéir à la loi

III

Elle descen­dit au palais de lapis lazuli
l’abîme le monde d’en-bas la grande fos­se

à la troisième porte
il prit le couteau qui dor­mait à son côté
défit la boucle de la cein­ture à sa taille

pourquoi as-tu pris mon couteau et ma cein­ture
on ne t’a jamais dit qu’une femme
doit défi­er et sub­ver­tir le
code du mâle
silence Inan­na
telle est la loi du monde d’en-bas
il faut obéir à la loi

IV

Elle descen­dit au palais de lapis lazuli
l’abîme le monde d’en-bas la grande fos­se

à la qua­trième porte
il prit les lour­des godass­es d’ordonnance
lacées haut au-dessus de la cheville

pourquoi m’as-tu pris mes godass­es
les hommes sont tous les mêmes ils veu­lent
vous empêch­er de marcher pour pou­voir dire
que vous avez de jolis pieds

silence Inan­na
telle est la loi du monde d’en-bas
il faut obéir à la loi

V

Elle descen­dit au palais de lapis lazuli
l’abîme le monde d’en-bas la grande fos­se

à la cinquième porte
il prit la tenue de cam­pagne
ce cam­ou­flage de sa chair

pourquoi as-tu pris ma tenue de cam­pagne
les hommes sont tous les mêmes ce qu’ils veu­lent
c’est vous voir en désha­bil­lé et puis
mieux encore désha­bil­lées

silence Inan­na
telle est la loi du monde d’en-bas
il faut obéir à la loi

VI

Elle descen­dit au palais de lapis lazuli
l’abîme le monde d’en-bas la grande fos­se

à la six­ième porte
il prit le body ital­ien
dépouil­la son corps de sa sec­onde peau

pourquoi m’as-tu pris mon body
tu sauras que je porte de la den­telle noire
pour me faire plaisir à moi seule
j’espère que cela te suf­fit

silence Inan­na
telle est la loi du monde d’en-bas
il faut obéir à la loi

VII

Elle descen­dit au palais de lapis lazuli
l’abîme le monde d’en-bas la grande fos­se

à la sep­tième porte
il prit le cor­don entre ses cuiss­es
tira le tam­pon qui stop­pait le sang

pourquoi as-tu pris mon immac­ulée
ceci est mon corps ceci est mon sang
je suis nue et sans défense ceci
est une femme

silence Inan­na
telle est la loi du monde d’en-bas
il faut obéir à la loi

4. Rédemption

I

Ils ont dit que j’avais gazé les Kur­des
les juifs les gitans les homo­sex­uels les sol­dats
d’Abyssinie et d’Ypres
j’ai dit que j’étais nue et sans défense

Ils ont dit que j’avais déver­sé du napalm sur le Viet­nam
bom­bardé Dres­de et Hiroshi­ma
et tué des inno­cents au pont de Nasir
j’ai dit que j’étais nue et sans défense

Ils ont dit que j’étais au Palais d’Hiver
à Amrit­sar à Lidice que je mas­sacrais
les Incas les noirs les aborigènes
j’ai dit que j’étais nue et sans défense

Ils ont dit que je dirigeais Auschwitz et le Goulag
que j’étais la ciguë bue par Socrate
le vinai­gre ten­du au Christ
j’ai dit que j’étais nue et sans défense

II

Dans l’abîme mes juges m’ont jetée à terre
accusée insultée appelée
Dame des F‑16 et des MIG
des Patri­ots et des Scuds ils m’ont craché
au vis­age bar­bouil­lé les seins de merde
ils ont porté un rasoir à mes lèvres
ils ont dit que je leur ferais la même chose
et puis ils ont dit que j’étais libre de m’en aller
à une con­di­tion
que j’envoie
pren­dre ma place dans l’abîme
celui qui était mon cyprès et mon cèdre
mon lis et mon épine mon amour et ma guerre

III

J’ai pen­sé à Sad­dam
ses bras de seize mètres
coulés à Bas­ingstoke
par Tal­lix Mor­ris Singer
en métal recy­clé
des fusils d’Irakiens morts
dressés bran­dis­sant
l’épée de Qadisiyya
autour des ruines le sable
à l’infini éten­due plate
et soli­taire
j’ai
pen­sé à Nor­man la Tem­pête
fou d’opéra et
de bal­let magi­cien
ama­teur jonglant avec
l’allemand et le français et
humaine­ment préoc­cupé
des pertes en hommes
à sa femme chez nous à Tam­pa
Floride soucieuse
de savoir si Nor­man
se nour­rit cor­recte­ment
j’ai pen­sé
à Gar­cia à ses as
et à son sperme con­gelé
à Brinkof­s­ki avec ses lunettes noires
et son héli­con astiqué
à la Danse d’Eddie Dumuzi
avec en poche la queue
d’un ser­pent à son­nettes
tué à Fort Worth
comme porte-bon­heur
puis
j’ai pen­sé à mon Sal­vador
chair de ma chair
sang de mon sang
amant mor­tel
marchant sur mes
eaux
avant qu’enfin
je me sou­vi­enne du berg­er
aperçu dans la tem­pête de sable
l’autre matin pro­tégeant
une chèvre enfouie dans les
plis de sa cape
et j’ai su

5. Lamentation pour le berger

Changé il est changé il
est empous­siéré de silence

mon cœur est chant d’oiseau dans un désert

(11 févri­er 1991)

Commentaires de l’auteur
  1. Ce poème est écrit par un non-com­bat­tant. Comme ce qu’il pro­pose n’est pas vu “du poste de pilotage d’un chas­seur ou d’un Sher­man“, il me sem­ble impor­tant de ren­dre compte de sa genèse.
  2. Le poème utilise le mythe sumérien de la descente aux enfers d’Inan­na telle qu’elle est rap­portée dans les Poèmes du Ciel et de l’Enfer en Mésopotamie antique (Poems from Heav­en and Hell from Ancient Mesopotamia, traduits par N.K. San­dars, Pen­guin Clas­sics). J’ai trou­vé que l’histoire d’Inanna, patronne des régimes de dattes, de la terre fer­tile, du gre­nier et de l’étable, me per­me­t­tait d’analyser la sig­ni­fi­ca­tion anthro­pologique et mythique de la Guerre du Golfe, et par là, peut-être, de toutes les guer­res. Je ne pré­tends pas que cette approche anthro­pologique et mythique soit la seule val­able. Pas plus que je ne pré­tends qu’il faille extrapol­er du texte des pris­es de posi­tion poli­tiques. Le poème que j’ai écrit est un poème de deuil, de l’âpre beauté du deuil. Son but n’est pas d’affirmer une vérité unique ou de désign­er un coupable ou d’approuver les inter­pré­ta­tions pro­posées par les dirigeants, les porte-parole ou les médias des par­ties en présence. “Qu’est-ce que la lib­erté d’un écrivain ?, demande Nadine Gordimer. Pour moi, c’est son droit d’affirmer et de proclamer une vision per­son­nelle, intense et pro­fonde, de la sit­u­a­tion dans laque­lle il trou­ve la société où il vit. Pour pou­voir tra­vailler du mieux qu’il peut, il doit pren­dre (et l’on doit lui don­ner) la lib­erté de se démar­quer des goûts, des principes moraux et des inter­pré­ta­tions poli­tiques dom­i­nantes à son époque.
  3. Ces derniers temps, j’ai par deux fois raté l’occasion d’agir en mem­bre adulte d’une société démoc­ra­tique. Le 12 jan­vi­er 1991, j’étais à Lon­dres pour la représen­ta­tion de la pièce de H.W. Hen­ze, L’Idiot (d’après Dos­toïevs­ki), pour laque­lle BBC Radio3 m’avait chargé de traduire les Para­phras­es d’Ingeborg Bach­mann. La représen­ta­tion était à 16 heures. Ce same­di-là, j’aurais fort bien pu, avant, par­ticiper à la marche de Hyde Park à Trafal­gar Square qui récla­mait une pro­lon­ga­tion des sanc­tions jusqu’à ce qu’elles fassent de l’effet. Mais je n’avais pas envie de faire l’effort et je me suis retrou­vé dans l’East End, à vis­iter des ate­liers d’artistes avec des amis avant de me ren­dre au Bar­bi­can. Quinze jours plus tard, un ami alle­mand m’a demandé de par­ticiper à la man­i­fes­ta­tion de 26 jan­vi­er à Bonn, et j’ai refusé. A l’époque, j’étais écœuré par l’autosatisfaction que je croy­ais décel­er chez les paci­fistes alle­mands et j’avais accep­té la guerre comme une néces­sité qu’il fal­lait men­er à terme. J’ai tou­jours des doutes sur la valeur qu’aurait pu avoir l’un ou l’autre geste, mais je regrette de ne pas les avoir posés.
  4. En Alle­magne, les paci­fistes ont invité ceux qui soute­naient leur requête d’une paix immé­di­ate dans le Golfe à sus­pendre un drap blanc à leur fenêtre. En par­courant les rues de Cologne avant de retourn­er en Grande Bre­tagne (le 2 févri­er), j’avançais dans un décor de façades affichant leur red­di­tion. C’était à la fois théâ­tral et vrai­ment émou­vant. Une semaine après mon arrivée en Angleterre, il y avait dans les jour­naux des pho­tos des fenêtres de l’arrière du 10 Down­ing Street après l’explosion d’une bombe de l’IRA. Des rideaux blancs retombaient en signe de red­di­tion.
  5. J’ai passé un mois à la mai­son des écrivains de Hawthorn­den Cas­tle, près d’Edinbourg. Au mur de la salle où nous tra­vail­lions, je fix­ais des pho­to­copies d’articles et de pho­tos que je m’étais mis à rassem­bler, sou­vent agrandies à plusieurs fois leur for­mat d’origine. Il y avait entre autre une pho­to du ser­gent Susan Kyle en train d’inspecter le canon de son M‑16, les écou­teurs de son baladeur aux oreilles, une bouteille d’Evian à côté d’elle. Une autre mon­trait deux marines anonymes en train de danser la Danse du Masque à Gaz, sans expli­ca­tion. Et le ser­gent Robert Brinkof­s­ki, son M‑60 et son héli­con. Et des arti­cles sur les bom­barde­ments, sur des déser­teurs irakiens, sur les réac­tions des familles des vic­times. J’ai affiché aus­si les métaphores agres­sive­ment sex­uelles qu’affectionnent les mil­i­taires inter­viewés. Le 9 févri­er, j’ai écrit la pre­mière par­tie du poème. Dans sa pre­mière ver­sion, elle com­por­tait des extraits d’articles, pho­to­copiés dans mon pro­pre texte, mais j’ai aban­don­né ce procédé dès le lende­main. Le 10 févri­er, j’ai revu la pre­mière par­tie, écrit la deux­ième, puis com­plète­ment réécrit la pre­mière. Le 11 févri­er, j’ai écrit les troisième, qua­trième et cinquième par­ties. Il m’est rarement arrivé d’écrire aus­si facile­ment et naturelle­ment. Le poème com­bine des préoc­cu­pa­tions de longue date et d’autres plus récentes.
  6. Cette pièce où j’affichais mes trou­vailles est dev­enue un lieu à la fois émou­vant et grotesque. Peut-être la plus grotesque de toutes les ironies était que j’étais là à écrire ce poème dans un endroit aus­si beau que Hawthorn­den, loin de l’horreur qui sus­ci­tait l’écriture. J’ai affiché, agrandie plusieurs fois, une manchette de sup­plé­ment du dimanche dont l’obscénité sem­blait ne s’appliquer que trop bien à moi aus­si : “Vie des noceurs par temps de guerre“.
  7. Ce n’est pas à moi d’interpréter le poème, mais je voudrais relever quelques points. Le poème gomme la dis­tinc­tion entre Ishtar, déesse baby­loni­enne de l’amour et de la guerre, et Inan­na, mais garde le nom d’Inanna, attribue le rôle au ser­gent Kyle, et con­serve le sché­ma de la descente aux enfers, son retour et la mort du berg­er. Le berg­er de mon poème est anonyme parce que je l’ai décrit à par­tir de la pho­to d’un berg­er dont on ne men­tionne pas le nom, abri­tant une chèvre dans une tem­pête de sable. Le nom du berg­er dans le mythe sumérien est Dumuzi et j’ai pris la lib­erté de l’attribuer à un autre per­son­nage. Le nom Dumuzi cor­re­spond à l’hébreu Tam­mouz, en grec Ado­nis ; les mytholo­gies ont tis­sé un réseau de cor­re­spon­dances à tra­vers un vaste espace de temps et de lieux, ce qui me sem­blait jus­ti­fi­er une grande lib­erté dans l’écriture, comme de refor­muler le Can­tique des Can­tiques ou les Lamen­ta­tions pour Bion dans le cadre du mythe sumérien quand cela m’arrangeait, et d’accoler aux ter­mes antiques des élé­ments pris aux jour­naux : les cartes de mort, les dépôts dans des ban­ques de sperme, le mon­tage d’une gigan­tesque stat­ue de Sad­dam Hus­sein, les soucis de l’épouse du Général Nor­man Schwarzkopf.
  8. Inter­préter la Guerre du Golfe à tra­vers le mythe sumérien, ce n’est ni se détourn­er du fait poli­tique, ni se résign­er devant l’éternité. C’est soulign­er que si les détails anthro­pologique­ment sig­ni­fi­cat­ifs peu­vent vari­er, la ligne direc­trice de l’expérience humaine est d’une con­stance effrayante. Faute de le recon­naître, nous sommes con­damnés à la répéti­tion sans fin de l’histoire. Je ne suis d’ailleurs guère opti­miste : je pense que c’est pré­cisé­ment ce qui va se pass­er. Le berg­er n’est pas un messie rédemp­teur. Il n’y a pas de rédemp­teur. Athée con­va­in­cu, je crois qu’il y a seule­ment des berg­ers et des chas­seurs. Le moment essen­tiel, le moment de beauté et de deuil, c’est le moment d’horreur et de ten­dresse devant la mort inno­cente, et ce moment appar­tient tout autant à la réal­ité quo­ti­di­enne qu’au mythe.

Michael Hulse (févri­er-août 1991)

Paru dans…
The Moth­er of Bat­tle (Hull : Lit­tle­wood Arc, 1991)

En savoir plus, dans wallonica.org...

Infos qual­ité…
Statut : validé | mode d’édition : partage, édi­tion et icono­gra­phie | tra­duc­tri­ces : Chris­tine Pag­noulle & Annette Gérard | crédits illus­tra­tions : © Geof­frey Ernault | Cette tra­duc­tion fait par­tie d’une série de trois poèmes présen­tés par Chris­tine Pag­noulle dans l’article Trois poètes, trois plaidoy­ers pour la paix (2021) : (1) HULSE Michael, La mère des batailles (1991) traduit de The Moth­er of Bat­tle (Hull : Lit­tle­wood Arc, 1991) ; (2) SCHWARTZ Leonard, Nou­velle Babel (2016) traduit de The New Babel in The Tow­er of Diverse Shores (Jer­sey City NJ : Tal­is­man House, 2003) ; (3) BRATHWAITE Kamau, Ark (2004) traduit de Ark (New York & Kingston : Sava­cou North, 2004).