OLIVER, Mary (1935–2019) : "Dans les bois marécageux" (1983, trad. Patrick Thonart, 2023)

Regarde, les arbres
trans­for­ment
leurs pro­pres corps
en piliers

de lumière,
ils déga­gent de rich­es
effluves de can­nelle
et de pléni­tude,

les longs cierges
des roseaux
éclosent et ond­u­lent au large
sur les épaule­ments bleus

des étangs,
et chaque étang,
quel que soit
son nom, est

désor­mais sans nom.
Chaque année,
tout ce que j'ai
pu appren­dre

dans ma vie
me ramène à cela : les flammes
et la riv­ière noire de la perte
dont l'autre rive

est le salut
et dont le sens
nous échap­pera à jamais.
Pour vivre dans ce monde,

tu dois savoir
faire trois choses :
aimer ce qui est mor­tel,
le ser­rer

con­tre tes os en sachant
que ta vie en dépend,
puis, une fois le temps venu de le laiss­er aller,
le laiss­er aller.

In Blackwater Woods

Look, the trees
are turn­ing
their own bod­ies
into pil­lars

of light,
are giv­ing off the rich
fra­grance of cin­na­mon
and ful­fill­ment,

the long tapers
of cat­tails
are burst­ing and float­ing away over
the blue shoul­ders

of the ponds,
and every pond,
no mat­ter what its
name is, is

name­less now.
Every year
every­thing
I have ever learned

in my life­time
leads back to this: the fires
and the black riv­er of loss
whose oth­er side

is sal­va­tion,
whose mean­ing
none of us will ever know.
To live in this world

you must be able
to do three things:
to love what is mor­tal;
to hold it

against your bones know­ing
your own life depends on it;
and, when the time comes to let it go,
to let it go.

Paru dans…
Amer­i­can Prim­i­tive (1983)

Affich­er le recueil dans la poet­i­ca…
Une Ourse dans le jardin (2023)

Infos qual­ité…
Statut : validé | mode d’édition : tra­duc­tion, édi­tion et icono­gra­phie | source : Amer­i­can Prim­i­tive (1983) | tra­duc­teur : Patrick Thonart | crédits illus­tra­tions : © Béné­dicte Wesel.