ELUARD, Paul (1895–1952) : "Ma morte vivante" (1947)

Dans mon cha­grin, rien n’est en mou­ve­ment
J’attends, per­son­ne ne vien­dra
Ni de jour, ni de nuit
Ni jamais plus de ce qui fut moi-même

Mes yeux se sont séparés de tes yeux
Ils per­dent leur con­fi­ance, ils per­dent leur lumière
Ma bouche s’est séparée de ta bouche
Ma bouche s’est séparée du plaisir
Et du sens de l’amour, et du sens de la vie
Mes mains se sont séparées de tes mains
Mes mains lais­sent tout échap­per
Mes pieds se sont séparés de tes pieds
Ils n’avanceront plus, il n’y a plus de route
Ils ne con­naîtront plus mon poids, ni le repos

Il m’est don­né de voir ma vie finir
Avec la tienne
Ma vie en ton pou­voir
Que j’ai crue infinie

Et l’avenir mon seul espoir c’est mon tombeau
Pareil au tien cerné d’un monde indif­férent
J’étais si près de toi que j’ai froid près des autres

Extrait de…
Le temps débor­de (1947, posth. 1963)

Et dans wallonica.org…

Infos qual­ité…
Statut : validé | mode d’édition : partage, édi­tion et icono­gra­phie | source : Le temps débor­de (1947)  | con­tribu­teur : Patrick Thonart | crédits illus­tra­tions : centre-pompidou.fr.

ELUARD, Paul (1895–1952) : "Ta voix, tes yeux, tes mains, tes lèvres…" (1926)

Ta voix, tes yeux, tes mains, tes lèvres,
Nos silences, nos paroles,
La lumière qui s’en va, la lumière qui revient,
Un seul sourire pour nous deux,
Par besoin de savoir, j’ai vu la nuit créer le jour sans que nous chan­gions d’apparence,
Ô bien-aimé de tous et bien-aimé d’un seul,
En silence ta bouche a promis d’être heureuse,
De loin en loin, ni la haine,
De proche en proche, ni l’amour,
Par la caresse nous sor­tons de notre enfance,
Je vois de mieux en mieux la forme humaine,
Comme un dia­logue amoureux, le cœur ne fait qu’une seule bouche
Toutes les choses au hasard, tous les mots dits sans y penser,
Les sen­ti­ments à la dérive, les hommes tour­nent dans la ville,
Le regard, la parole et le fait que je t’aime,
Tout est en mou­ve­ment, il suf­fit d’avancer pour vivre,
D’aller droit devant soi vers tout ce que l’on aime,
J’allais vers toi, j’allais sans fin vers la lumière,
Si tu souris, c’est pour mieux m’envahir,
Les rayons de tes bras entrou­vraient le brouil­lard.

Extrait de…
(pré­ten­du­ment) Cap­i­tale de la douleur (1926)

Et dans wallonica.org, pour con­naître la vérité sur ce poème…

Infos qual­ité…
Statut : validé | mode d’édition : partage, édi­tion et icono­gra­phie | source : pré­ten­du­ment, recueil Cap­i­tale de la douleur (1926)  | con­tribu­teur : Patrick Thonart | crédits illus­tra­tions : l’en-tête mon­tre une pho­to de Hanne Karin Bay­er, dite Anna Kari­na (1940–2019) dans le film Alphav­ille © N.I..