JACQUES, Lucien (1898–1961) : "Je crois en l’homme, cette ordure…" (1953)

Je crois en l’homme, cette ordure,
je crois en l’homme, ce fumi­er,
ce sable mou­vant, cette eau morte ;

je crois en l’homme, ce tor­du,
cette vessie de van­ité ;
je crois en l’homme, cette pom­made,
ce grelot, cette plume au vent,
ce boute­feu, ce fouille-merde ;
je crois en l’homme, ce lèche-sang.

Mal­gré tout ce qu’il a pu faire
de mor­tel et d’irréparable,
je crois en lui,
pour la sûreté de sa main,
pour son goût de la lib­erté,
pour le jeu de sa fan­taisie,

pour son ver­tige devant l’étoile,
je crois en lui
pour le sel de son ami­tié,
pour l’eau de ses yeux, pour son rire,
pour son élan et ses faib­less­es.

Je crois à tout jamais en lui
pour une main qui s’est ten­due.
Pour un regard qui s’est offert.
Et puis surtout et avant tout
pour le sim­ple accueil d’un berg­er.

Extrait de…
Tombeau d’un berg­er (1953)

Et dans wallonica.org…

Infos qual­ité…
Statut : validé | mode d’édition : partage, édi­tion et icono­gra­phie | source : recueil Tombeau d’un berg­er (1953)  | con­tribu­teur : Patrick Thonart | crédits illus­tra­tions : © Société des amis de Lucien Jacques.

NERUDA, Pablo (1904–1973) : "Je ne t’aime pas comme rose de sel, ni topaze…" (1959)

Je ne t’aime pas comme rose de sel, ni topaze
Ni comme flèche d’oeillets propageant le feu :
Je t’aime comme l’on aime cer­taines choses obscures,
De façon secrète, entre l’ombre et l’âme.

Je t’aime comme la plante qui ne fleu­rit pas
Et porte en soi, cachée, la lumière de ces fleurs,
Et grâce à ton amour dans mon corps vit l’arôme
Obscur et con­cen­tré mon­tant de la terre.

Je t’aime sans savoir com­ment, ni quand, ni d’où,
Je t’aime directe­ment sans prob­lèmes ni orgueil :
Je t’aime ain­si car je ne sais aimer autrement,

Si ce n’est de cette façon sans être ni toi ni moi,
Aus­si près que ta main sur ma poitrine est la mienne,
Aus­si près que tes yeux se fer­ment sur mon rêve.

Extrait de…
La cen­taine d'amour (1959)

Et dans wallonica.org…

Infos qual­ité…
Statut : validé | mode d’édition : partage, édi­tion et icono­gra­phie | source : recueil La cen­taine d’Amour (1959)  | con­tribu­teur : Patrick Thonart | crédits illus­tra­tions : © La Razón.