Jacques van Artevelde
Le peuÂple est un enfant dont les colères folles
Brisent pour un caprice absurde les idolÂes
Qui furent sa vie un moment.
Et l'histoire est un drame immense oĂą l'on assiste
A l'Ă©ternel comÂplot Ă©terÂnelleÂment triste
Du crime inutile et dément.
Le masque impĂ©rieux, qu'un Ă©clair illuÂmine,
Debout dans son desÂtin, le vieux Ruwaert domine
L'horizon d'un sièÂcle agitĂ©.
Son coeur Ă©tait si grand qu'il conÂteÂnait la FlanÂdre
Son desÂtin fut si beau que l'on n'a pu lui renÂdre
Jamais l'hommage mérité.
La FlanÂdre se mourait: la France et l'Angleterre
EtoufÂfaient dans l'Ă©tau meurÂtriÂer de leur guerre.
Son opuÂlente activÂitĂ© ;
Mais l'homme en qui batÂtait tout le coeur d'une race
Appuyant son gĂ©nie Ă sa tranÂquille audace
SauÂva le peuÂple et la citĂ©.
Il Ă©tait nĂ© seigneur, mais de somÂbres colères
FerÂmenÂtaient sourÂdeÂment dans les flots popÂuÂlaires ;
Le pays était aux abois ;
Les LeliÂaerts perÂdaient la cause comÂmuÂnale,
NevÂers la trahisÂsait, la lutte Ă©tait fatale :
D'Artevelde se fit bourÂgeois.
Et l'on vit se dressÂer, penÂnons conÂtre banÂnières,
En face des mĂ©tiers, les noblessÂes altières :
Sous le branle~bas des tocÂsins,
Le TriÂbun entraĂ®Âna dans des luttes Ă©piques
Les masÂsifs comÂmuÂniers Ă la fĂŞte des piques,
Au nom de la Vierge et des Saints.
VĂŞtu du mailÂlot rouge et du surÂcot de laine,
Il rĂ©cÂonÂcilÂia par le mont, par la plaine,
Les farouchÂes inimÂiÂtiĂ©s ;
Il cimenÂta partout les coeurs de ses mains fo r tes,
DisÂciÂplina le peuÂple et ses humÂbles cohortÂes.
Fit pleuÂvoir l'or sur les mĂ©tiers.
L'Ă©goĂŻsme hauÂtain, ni l'ambition vile
N'effleurèrent jamais de leur ombre servile
La vailÂlance de ses desÂseins,
Mais il avait ouï dans la nuit rouge un râle :
Il se dresÂsait vengeur de la terre natale,
HĂ©ros, devant des assasÂsins
Avec l'autorité superbe d'un vieux sage
Son verbe flaÂgelÂlait, fouÂet cinglant, au visÂage
Les tyrans de la libÂertĂ© ;
Mais le songe proÂfond de son regard tragÂique,
Mais la force d'airain de son coeur paciÂfique
Ne conÂteÂnaient que la bonÂtĂ©.
Le pouÂvoir apparÂtient Ă qui le ciel le donne,
Et les humÂbles, conÂquis Ă ce roi sans couronne,
EmbrasÂsaient en pleuÂrant ses mains ;
Et le géant, les yeux au loin, comme un prophète,
Achevait puisÂsamÂment de poussÂer Ă son faĂ®te
L'Ă©difice des lendeÂmains.
Il pouÂvait, d'un seul mot, sur la foule proÂfonde,
SusÂciter Ă son grĂ© la temÂpĂŞte qui gronde
Ou l'espoir qui chante et qui luit ;
Son grand geste tenÂdu semÂblait porter la FlanÂdre:
Ceux qu'il falÂlait venger, ceux qu'il falÂlait dĂ©fendre,
Sans trĂŞve se tourÂnaient vers lui.
Et c'est pourquoi dans l'ombre il renÂconÂtra l'Ă©meute :
SubÂlime comme un dieu qui mĂ©prise une meute,
Sachant qu'il revivrait bienÂtĂ´t,
Car le crime parÂtois regrette sa dĂ©mence,
Car le sang pur est une gloire qui comÂmence,
Il s'écroula sous le couteau.
Or l'avenir grandit ceux que l'envie immole :
Jacques van Artevelde est beau comme un symÂbole.
ParÂmi les clochers, les befÂfrois,
Debout sur les hauÂteurs des luttes comÂmuÂnales,
Il appelle Ă ses pieds les gloires triÂomÂphales,
Car il fut plus grand que les rois.
MÉLAGE (F.). L’âme belge. Poèmes pour le cenÂteÂnaire. CarlsÂbourg, ÉdiÂtion de la revue belge de pĂ©dÂaÂgogie, 1930 ; in‑4, 60 pp., brochĂ©, couÂverÂture remÂpliĂ©e. Avec les illusÂtraÂtions du F. Mabin-Joseph.
"F." sigÂniÂfie ici "Frère" : Les Frères des Ecoles ChrĂ©ÂtiÂennes (au ConÂgo depuis 1910) compÂtait en leur rang le frère MĂ©lage, preÂmier biographe du frère Mutien-Marie (1841–1917), canonÂisĂ© par l'Ă©glise catholique (30 janÂviÂer).
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Infos qualÂité…
Statut : validĂ© | mode d’édition : partage, Ă©diÂtion et iconoÂgraÂphie | conÂtribuÂteur : Patrick Thonart.
Dans ce recueil :
- MELAGE (00) : L’âme belge, Poèmes pour le cenÂteÂnaire (recueil, 1930)
- MELAGE (01) : "L'aube sanglante" (1930)
- MELAGE (02) : "La paciÂfique conÂquĂŞte" (1930)
- MELAGE (03) : "Les Croisés" (1930)
- MELAGE (04) : "Jacques van Artevelde" (1930)
- MELAGE (05) : "La cloche du befÂfroi" (1930)
- MELAGE (06) : "Les PrimÂiÂtifs" (1930)
- MELAGE (07) : "Les Gueux" (1930)
- MELAGE (08) : "La sciÂence" (1930)
- MELAGE (09) : "La Vendée belge" (1930)
- MELAGE (10) : "1830" (1930)
- MELAGE (11) : "A l'ombre du draÂpeau" (1930)
- MELAGE (12) : "Ceux qui sont morts" (1930)