La cloche du beffroi
Dans l'aérienne demeure
OĂą rĂŞvent les jours d'Autrefois,
La cloche qui chante et qui pleure
Eveille des milÂliers de voix :
TĂ©moin du temps et de l'espace,
A tout ce qui naît et qui passe
Elle rend un Ă©cho proÂfond,
Car elle Ă©coute, materÂnelle,
L'hymne de la voĂ»te Ă©terÂnelle
Et le bruit que les hommes font.
Tous les grands remous de l'histoire
Autour du befÂfroi souÂverain,
L'Ă©lan, la lutte, la vicÂtoire,
DorÂment dans son âme d'airain.
Ah ! ces triÂomÂphes popÂuÂlaires
OĂą dans les gloires jubiÂlaires
On proclame les libÂertĂ©s !
Ah ! ces gens de FlanÂdre et de LiĂ©ge
Révoltés que leur prince assiège
Et sont touÂjours des rĂ©voltĂ©s !
Voici le Prince-EvĂŞque en fuite:
SonÂnez pour la rĂ©belÂlion !
L'armĂ©e Ă©trangère est dĂ©truÂite
Cloche sonÂnez! FlanÂdre au lion !
Demain la libÂertĂ© sacrĂ©e
Va faire sa joyeuse entrée !
Voici la Male Saint-MarÂtin,
Voici les Matines bruÂgeoisÂes,
Voici les vicÂtoires bourÂgeoisÂes :
SonÂnez le triÂomÂphe hauÂtain !
Chantez, cloche, les moissons blondes
Qui dĂ©borÂdent sur les senÂtiers,
Et chantez les nefs vagabonÂdes
Le long des quais et des chantiers !
Les marteaux dansent sur l'enclume,
Les métiers chantent dans la brume :
PauÂvre homme en sa maiÂson est roi !
Chantez pour toute la richesse,
Chantez pour toute l'allégresse,
Chantez, cloche du vieux befÂfroi.
Quand les prinÂcières cavÂalÂcades,
RutiÂlantes sous le soleil,
Sur les routes, dans les bourÂgades,
PasÂsaient dans un brouilÂlard verÂmeil.
Quand le cortège des prières
DĂ©roulait au vent ses banÂnières,
Reine des carÂilÂlons joyeux,
La vieille cloche par volées,
Par delĂ les monts, les valÂlĂ©es,
Jetait sa gloire Ă tous les cieux.
Oui, la cloche a chanÂtĂ© les fĂŞtes
Et tous les jours que Dieu bénit,
Mais lorsque l'ombre des défaites
ijtreignait sa tour de granÂit,
Lorsque les rageuses batailles
FaiÂsaient de rouges funĂ©railles,
Lorsque les crimes,
S'ajoutaient à l'épidémie,
La cloche, douloureuse amie,
pleuÂrait Ă longs sanÂglots.
Jours des sinÂistres hĂ©catombes,
OĂą LiĂ©Âgeois, DinanÂtais, GanÂtois,
S'Ă©croulaient sanglants dans les tombes
TanÂdis que flamÂbaient tous les toits !
Jours des atroÂces reprĂ©Âsailles
OĂą le pays, jusqu'aux entrailles,
TremÂblait au seul nom des bourÂreaux !
Grands d'Espagne ou ducs de BourÂgogne,
Soudards sans âme et sans verÂgogne,
0 buveurs du sang des héros !…
Vieille cloche, Ă´ conÂtemÂpoÂraine
De tant de sièÂcles rĂ©voÂlus,
Dont la voix dolente et sereÂine
Fait songer des ais verÂmoulus !
Vieille cloche, sonÂnez quand mĂŞme,
Puisque c'est votre loi suprĂŞme
De parÂler de mort et d'espoir !
Vieille cloche, sonÂnez encore,
Puisque vous conÂnĂ»tes l'aurore
Puisque vous conÂnaĂ®trez le soir !
MÉLAGE (F.). L’âme belge. Poèmes pour le cenÂteÂnaire. CarlsÂbourg, ÉdiÂtion de la revue belge de pĂ©dÂaÂgogie, 1930 ; in‑4, 60 pp., brochĂ©, couÂverÂture remÂpliĂ©e. Avec les illusÂtraÂtions du F. Mabin-Joseph.
"F." sigÂniÂfie ici "Frère" : Les Frères des Ecoles ChrĂ©ÂtiÂennes (au ConÂgo depuis 1910) compÂtait en leur rang le frère MĂ©lage, preÂmier biographe du frère Mutien-Marie (1841–1917), canonÂisĂ© par l'Ă©glise catholique (30 janÂviÂer).
En savoir plus, sur la docÂuÂmenÂta…
Infos qualÂité…
Statut : validĂ© | mode d’édition : partage, Ă©diÂtion et iconoÂgraÂphie | conÂtribuÂteur : Patrick Thonart.
Dans ce recueil :
- MELAGE (00) : L’âme belge, Poèmes pour le cenÂteÂnaire (recueil, 1930)
- MELAGE (01) : "L'aube sanglante" (1930)
- MELAGE (02) : "La paciÂfique conÂquĂŞte" (1930)
- MELAGE (03) : "Les Croisés" (1930)
- MELAGE (04) : "Jacques van Artevelde" (1930)
- MELAGE (05) : "La cloche du befÂfroi" (1930)
- MELAGE (06) : "Les PrimÂiÂtifs" (1930)
- MELAGE (07) : "Les Gueux" (1930)
- MELAGE (08) : "La sciÂence" (1930)
- MELAGE (09) : "La Vendée belge" (1930)
- MELAGE (10) : "1830" (1930)
- MELAGE (11) : "A l'ombre du draÂpeau" (1930)
- MELAGE (12) : "Ceux qui sont morts" (1930)