OLIVER, Mary (1935–2019) : "Un rêve d’arbres" (1963, trad. Patrick Thonart, 2023)

Quelque chose en moi a rêvé d’arbres,
D’une mai­son pais­i­ble, de quelques mod­estes arpents de ver­dure
Un peu éloignés de toute cité bruyante,
Un peu éloignés des usines, des écoles, des lamen­ta­tions.
J’y aurais du temps, pen­sais-je, et j’y gag­n­erais du temps,
Avec pour seule com­pag­nie riv­ières et oiseaux,
Pour extraire de ma vie quelques stro­phes sauvages.
Puis j’ai réal­isé que la mort était comme ça,
Un peu éloignée de n’importe où.

Quelque chose en moi rêve tou­jours d’arbres.
Mais qu’importe. Nos­tal­giques de la mod­éra­tion,
La moitié des artistes du monde se rétré­cis­sent ou dis­parais­sent.
Si quelqu’un trou­ve une solu­tion, qu’il le dise.
Entretemps, mon cœur glisse vers les lamen­ta­tions
Où, alors que le temps appelle notre réel engage­ment,
Les lames nues de chaque crise mon­trent le chemin.

Si seule­ment il n’en était pas ain­si… mais il en est ain­si.
Qui a déjà com­posé la musique d’un jour sans excès ?

A dream of trees

There is a thing in me that dreamed of trees,
A qui­et house, some green and mod­est acres
A lit­tle way from every trou­bling town,
A lit­tle way from fac­to­ries, schools, laments.
I would have time, I thought, and time to spare,
With only streams and birds for com­pa­ny,
To build out of my life a few wild stan­zas.
And then it came to me, that so was death,
A lit­tle way away from every­where.

There is a thing in me still dreams of trees.
But let it go. Home­sick for mod­er­a­tion,
Half the world’s artists shrink or fall away.
If any find solu­tion, let him tell it.
Mean­while I bend my heart toward lamen­ta­tion
Where, as the times implore our true involve­ment,
The blades of every cri­sis point the way.

I would it were not so, but so it is.
Who ever made music of a mild day?

Paru dans…
No Voy­age and Oth­er Poems (1963)

Affich­er le recueil dans la poet­i­ca…
Une Ourse dans le jardin (2023)

Infos qual­ité…
Statut : validé | mode d’édition : tra­duc­tion, édi­tion et icono­gra­phie | source : No Voy­age and Oth­er Poems (1963) | tra­duc­teur : Patrick Thonart | crédits illus­tra­tions : BLAKE, William : I want ! I want ! (détail, 1793) © The Fitzwilliam Muse­um.

OLIVER, Mary (1935–2019) : "Le voyage" (1963, trad. Patrick Thonart, 2023)

Un jour enfin tu as su
ce que tu devais faire et
tu t’y es mise,
mal­gré les voix autour de toi
qui hurlaient encore
leurs mau­vais con­seils-
mal­gré toute la mai­son
qui s’est mise à trem­bler
et la vieille corde que tu sen­tais à nou­veau
sur tes chevilles.
« Répare ma Vie ! »
pleu­rait chaque voix.
Mais tu ne t’es pas arrêtée.
Tu savais ce que tu avais à faire,
mal­gré le vent qui attaquait
de ses doigts raides
tes fon­da­tions les plus intimes,
mal­gré leur mélan­col­ie
déchi­rante.
Il était déjà fort
tard, et la nuit vio­lente,
et la route pleine de branch­es
tombées et de pier­res.
Mais, peu à peu,
comme tu lais­sais leurs voix der­rière toi,
les étoiles ont com­mencé à briller
à tra­vers le man­teau de nuages,
et il y a eu une voix nou­velle
que tu as lente­ment
recon­nue comme la tienne,
qui t’a tenu com­pag­nie
tan­dis que tu arpen­tais
le monde
de plus en plus loin,
déter­minée à faire
la seule chose que tu pou­vais faire-
déter­minée à sauver
la seule vie que tu pou­vais
sauver.

The Journey

One day you final­ly knew
what you had to do, and began,
though the voic­es around you
kept shout­ing
their bad advice –
though the whole house
began to trem­ble
and you felt the old tug
at your ankles.
"Mend my life!"
each voice cried.
But you didn't stop.
You knew what you had to do,
though the wind pried
with its stiff fin­gers
at the very foun­da­tions,
though their melan­choly
was ter­ri­ble.
It was already late
enough, and a wild night,
and the road full of fall­en
branch­es and stones.
But lit­tle by lit­tle,
as you left their voice behind,
the stars began to burn
through the sheets of clouds,
and there was a new voice
which you slow­ly
rec­og­nized as your own,
that kept you com­pa­ny
as you strode deep­er and deep­er
into the world,
deter­mined to do
the only thing you could do –
deter­mined to save
the only life that you could save.

Paru dans…
No Voy­age and Oth­er Poems (1963)

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Une Ourse dans le jardin (2023)

Infos qual­ité…
Statut : validé | mode d’édition : tra­duc­tion, édi­tion et icono­gra­phie | source : No Voy­age and Oth­er Poems (1963) | tra­duc­teur : Patrick Thonart | crédits illus­tra­tions : © Béné­dicte Wesel.