LOGIST, Karel (né en 1962) : "La vie au lendemain de ma vie avec toi…" (2007)

La vie au lende­main de ma vie avec toi
ne sera pas moins douce
ne sera pas moins belle
juste peut-être un peu plus courte
peut-être aus­si moins gaie

La vie au lende­main de ma vie avec toi
ne sera pas ceci ne sera pas cela
ne sera pas souci ne sera pas fra­cas
ne sera pas couci ne sera pas couça
ne sera pas ici ne sera pas là-bas
Ma vie sera séquelle, sera ce qu’elle sera
ou ne sera plus rien

Cer­tains jours, par défi,
je ferai de petits voy­ages sur nos traces
je ferai de petits voy­ages sur nos pas

Et là je te ferai de petites fidél­ités
tant pis si tu l’apprends
si tu dois m’en vouloir
si jamais tu m’en veux de te l’avoir appris
entre ces lignes-ci

J’irai revoir des lieux que nous aimions ensem­ble
Je ne tourn­erai pas en rond

Si ça ne tourne pas rond
je prendrai nos pho­tos
dans la boite à chaus­sures
sous le meu­ble en bois blanc
et je regarderai encore
par-dessus l’épaule du bon­heur
com­bi­en tu étais belle
com­ment nous étions beaux

J’achèterai un chat
que j’appellerai Unchat
en hom­mage à l’époque où j’en étais bien sûr
inca­pable à tes yeux

Le thé refroidi­ra ; per­son­ne pour le boire
L’été refleuri­ra ; per­son­ne pour y croire

Je ne vais rien chang­er à l’ordre de mes livres
déplac­er aucun meu­ble
J’expédierai nos cartes
qui dis­aient le des­tin
mais jamais l’avenir
à nos meilleurs amis
J’allongerai les jours
Je met­trai des ten­tures dans la cham­bre à couch­er pour allonger
un peu égale­ment
le som­meil de mes nuits
mes nuits au lende­main de mes nuits avec toi

La vie au lende­main de ma vie avec toi
je la veux sim­ple et bonne
je la veux douce et lisse
comme le plat d’une main qui ne pos­sède rien
et ne désigne qu’elle.

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Statut : validé | mode d’édition : partage, édi­tion et icono­gra­phie | source : recueil Si tu me dis­ais viens (2007)  | con­tribu­teur : Patrick Thonart | crédits illus­tra­tions : © Karel Logist.

LIBERT, Béatrice (née en 1952) : "Passage du laitier" (2010)

Deux haies de sagesse par où s’en vont chats et renards, fouines et mulots. Si vous emprun­tez le rac­cour­ci, ne hâtez pas le pas. Écoutez plutôt les trilles des oise­lets et, sous leurs notes, les cruch­es de lait qui s’entrechoquent loin, très loin dans un temps qu’on dit ancien. C’était hier, mais le sen­tier n’a pas per­du l’écho de leur tra­ver­sée ni la fraîcheur de la pré­cieuse livrai­son. L’écume du lait a chu sur les pétales, à moins qu’elle ne soit mon­tée à la tête des arbres et de l’avril en pâmoi­son.

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Pas­sage du laiti­er (2010)

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Statut : validé | mode d’édition : partage, édi­tion et icono­gra­phie | source : Pas­sage du laiti­er (2010) | con­tribu­teur : Patrick Thonart | crédits illus­tra­tions : © Jean Kat­tus ; Philippe Vienne ; Béa­trice Lib­ert.

THONART, Patrick (né en 1961) : "Tu es ma rive" (2019)

THONART, Patrick (né en 1961) : "Tous deux se regardaient…" (2019)

THONART, Patrick (né en 1961) : "Tu es là, vivante à mon cœur comme l’épousée" (2019)

Je ne met­trai pas genou en terre,
Que seul ou… devant toi.
Je ne pleur­erai pas l’amertume de mes entrailles,
Que seul ou… devant toi.
Je ne lèverai pas le poing au ciel
pour maudire le des­tin,
Que seul ou… devant toi.

Ils ne sauront rien de mon trou­ble,
Ils ne com­pren­dront pas pourquoi je par­le seul,
Pourquoi j’offre l’échine, moi qui ne fuyais pas le regard.

Mais tous soupireront d’aise
Quand je souri­rai,
Devant toi,
Enfin trou­vée…

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non pub­lié (2014)

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Statut : validé | mode d’édition : rédac­tion, édi­tion et icono­gra­phie | auteur : Patrick Thonart | crédits illus­tra­tions : DOTREMONT, Chris­t­ian : L’ours du sens (ca. 1976) © MRBAB.

THONART, Patrick (né en 1961) : "Hier est loin" (2019)

Hier est loin,
C’est déjà demain.

Un jour, la Terre
A inven­té l’Amour
En embras­sant le Feu.
Son ven­tre mouil­lé d’Eau,
Elle l’a con­fié au Ciel
Pour qu’il forge chaque jour,
Le matin de nous deux,
L’eau mar­iée de nos yeux,
Le feu sauvage de nos ven­tres,
La terre con­fi­ante sous nos pas
Et le vent qui nous porte.

Je t’aime à jamais…
Plus un jour

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non pub­lié (2014)

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Statut : validé | mode d’édition : rédac­tion, édi­tion et icono­gra­phie | auteur : Patrick Thonart | crédits illus­tra­tions : André Mas­son, Terre éro­tique (1955) © leshardis.com.

THONART, Patrick (né en 1961) : "Tu as jeté sur moi…" (2014)

THONART, Patrick (né en 1961) : "L’Ours titube dans la Forêt…" (2014)

L’Ours titube dans la Forêt
Il a les yeux brûlés
Il marche dos à la clair­ière
Où il l’a vue pass­er

Poil momi­fié et ven­tre sec
Elle s’agitait ivre et malade
De ces baies noires
Trop fer­men­tées

Le cœur à sang il a hurlé
Gueule au zénith il a pleuré
Et chaque larme était une loupe
Que le Soleil a transper­cée

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non pub­lié (2014)

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Statut : validé | mode d’édition : rédac­tion, édi­tion et icono­gra­phie | auteur : Patrick Thonart | crédits illus­tra­tions : © Domaine pub­lic.

THONART, Patrick (né en 1961) : "L’Ours lève la truffe…" (2014)

L’ours lève la truffe
Au vent du matin inqui­et

Il sort la langue
Aux odeurs du print­emps trompeur

L’hiver a fon­du comme sa douleur passée
Et la riv­ière gon­fle des neiges liq­uides
Comme son corps aujourd’hui pal­pite
Des sangs nou­veaux et de l’appel d’amour

Ce matin la renarde a frôlé
De sa gorge dard­ée d’aubépine
Son dru pelage tout encore embrumé
Pour que son cœur retrou­ve racine

Pour­tant…

Pour­tant l’ours hume le vide
Dans sa cav­erne, les murs sont éraflés
De ses pattes trop lour­des – lour­des
De son ven­tre qu’il ne peut laiss­er chanter

Pour­tant l’ours craint le vide
Dans sa clair­ière, les pier­res sont dénudées
Du soleil gris qui les a raclées
Du regard vide des isolés

Pour­tant l’ours com­bat le vide
Dans sa forêt, les troncs l’attendent
Et leurs fûts droits mon­trent le sens
De la vie droite vers quoi ils ten­dent

Mais…

Le print­emps a men­ti :
Il n’était pas tout l’été

Alors, mon Amour,
Je mar­que le pas
Et j’attends le tien
Pour m’apaiser dans ton sein

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non pub­lié (2014)

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Statut : validé | mode d’édition : rédac­tion, édi­tion et icono­gra­phie | auteur : Patrick Thonart | crédits illus­tra­tions : © Qui avance de print­emps en tout temps vif (1982) © Chris­t­ian Dotremont – Karel Appel – MRBAB.

THONART, Patrick (né en 1961) : "Le matin du Bon Jour…" (2014)

Le matin du Bon Jour
Il n’y aura plus rien
Rien que l’ours au soleil
Sur le dos
Et elle
En ten­dre char­rue
Qui creuse le creux de son flanc

Il y aura le pain chaud des peaux cuites
La can­nelle au nez
et
Le miel au ven­tre

Le matin du Bon Jour
Seuls les oiseaux
Racon­teront le monde

Le matin du Bon Jour
C’est le lent demain du Soir
Où elle posera sa valise
En souri­ant

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non pub­lié (2014)

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Statut : validé | mode d’édition : rédac­tion, édi­tion et icono­gra­phie | auteur : Patrick Thonart | crédits illus­tra­tions : © Pierre Alechin­sky, Soleil (1950).

THONART, Patrick (né en 1961) : "Pleurs" (2014)

De tout ce qui me sera demain
Je ne demande qu’un sein
A ma joue for­mé
Et de mes larmes baigné

Et je… l’enfant… y pleur­erai
Et la femme qui le porte
Je pour­rai enfin
Comme un homme
L’aimer

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non pub­lié (2014)

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Statut : validé | mode d’édition : rédac­tion, édi­tion et icono­gra­phie | auteur : Patrick Thonart | crédits illus­tra­tions : DOTREMONT, Chris­t­ian : Ques­tion insidi­aire (1978) © MRBAB.

THONART, Patrick (né en 1961) : "L’œil de l’Homme est dans le lac…" (2014)

THONART, Patrick (né en 1961) : "Les armoires alignées…" (2014)

Les armoires alignées,
dans la pièce occultée,
sont toutes si bien fer­mées.
Pour­tant, à tra­vers cha­cune,
fil­tre un ray­on de Lune :
les ser­rures ver­rouil­lées
finis­sent toutes par rouiller.

Dans la colle d’une queue d’aronde,
pois­sent les crins d’une bête immonde.
Der­rière le bahut,
dépasse la corde d’un pen­du.
Dans ce tiroir sans fond,
grouil­lent des araignées sans nom.
Au lieu de l’huile dans la charnière,
coule le fiel d’une goule amère.
Sur le fau­teuil défon­cé,
ce n’est pas l’ombre de ta psy­ché
mais le reflet d’une âme damnée.
Et le bruisse­ment dans les plac­ards,
ce sont tes morts et les cafards.

Les armoires alignées,
dans la pièce occultée,
sont toutes si bien fer­mées.
Pour­tant, à tra­vers cha­cune,
fil­tre un ray­on de Lune :
les ser­rures ver­rouil­lées
finis­sent toutes par rouiller.

Il n’y a pas de Juge­ment dernier,
il n’y a jamais assez de clefs.
On se croirait dans du Kaf­ka
sauf que ton Procès… c’est toi.
Alors, à plein doigts,
touche ton émoi
(juste sous le cœur),
et vis enfin ta vraie peur :
plonge les mains dans le cof­fre noir
et sors la vieille boîte à musique,
celle que tu pre­nais
pour un Géant d’Afrique.

Les armoires alignées,
dans la pièce occultée,
sont toutes si bien fer­mées.
Pour­tant, à tra­vers cha­cune,
fil­tre un ray­on de Lune :
les ser­rures ver­rouil­lées
finis­sent toutes par rouiller…

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Statut : validé | mode d’édition : rédac­tion, édi­tion et icono­gra­phie | auteur : Patrick Thonart | crédits illus­tra­tions : © bob-wit.

THONART, Patrick (né en 1961) : "Bohémien sans répit…" (2014)

THONART, Patrick (né en 1961) : "La larme de l’Ours l’avait trahi…" (2014)

La larme de l’ours l’avait trahi.

Débor­dée de son œil rou­gi,
elle allumait sa joue

de la lueur du feu nour­ri.

Dans sa cav­erne, dans son abri,
l’Ours brûlait le sapin inutile,

et le vent avait com­pris
tout le cha­grin de son ami.
“Une escar­bille, sans doute”,
dis­ait Mar­tin un peu con­trit.

Et le vent avait con­té,
la belle Dame ren­con­trée ;
tous les fastes et les flam­beaux
à chaque fenêtre du château,

alors que Mar­tin mar­chait,
Mar­tin mar­chait dans sa forêt.

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Statut : validé | mode d’édition : rédac­tion, édi­tion et icono­gra­phie | auteur : Patrick Thonart | crédits illus­tra­tions : Pierre ALECHINSKY, Linolog I (1972)© MBAB.

THONART, Patrick (né en 1961) : "A la kermesse des notables…" (2014)

A la ker­messe des nota­bles,
Tout le monde se met à table.
Maître Héron au cou trop fin
Donne du jabot avec entrain.

Mais à la ker­messe des nan­tis,
Plus per­son­ne ne sourit
Et les regards sans vie
Se reflè­tent dans l’argenterie.

Maîtresse Renarde au cœur four­bu
Sent dans sa chair la vie per­due
De Cen­drillon qui pleure son dû
Au milieu des polkas de ven­trus.

Dans une clair­ière au ciel trop bas,
L’ours endeuil­lé fait les cent pas.
Dans une main du crêpe noir,
Dans l’autre, une fleur… Espoir

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Statut : validé | mode d’édition : rédac­tion, édi­tion et icono­gra­phie | auteur : Patrick Thonart | crédits illus­tra­tions : Hen­ri EVENEPOEL, La prom­e­nade du dimanche au Bois de Boulogne (1899) © La Bover­ie.

THONART, Patrick (né en 1961) : "Un jour viendra, couleur d’orange…" (2014)

Un jour vien­dra, couleur d’orange…

Appuyé con­tre son chêne
L’ours éteint sa pipe
Et ren­tre chang­er de slip
Lourde est son haleine
Et lourd est son pas

Si un jour ma Reine…
Non, il ne doit pas…

Chaque jour dans sa peine
L’ours à la riv­ière
Se rince les arrières
Souil­lés par la frousse
Qu’elle n’arrive pas

Si un jour ma Belle…
Non, il ne doit pas…

C’est mât de mis­aine
Quand le matin chante
Que l’ours joyeux bande
Et offre son ven­tre
Où elle peut s’asseoir

Si un jour ma Ten­dre…
Non, il ne doit pas…

Coudes sur le rocher
L’ours vise la trouée
Où l’herbe est couchée
Là elle est passée
Et elle l’a aimé

Si un jour ma Femelle…
Non, il ne doit pas…

Som­bre dans la cav­erne
L’ours racle son humeur
Une plaie au cœur
Cette airelle crevée
Qui ne se ferme pas

Si un jour mon Aimée…
Non, il ne doit pas…

Si,

Demain, dès l’aube
L’ours va pré­par­er
Chaque matin aux paupières sablées
Chaque moment où elle peut arriv­er
Chaque instant où il l’entendra
Chaque chant d’oiseau et sa joie
Chaque sourire qu’elle lui don­nera
Et tous les demains qu’il lui bâti­ra
De ses bras

Et l’ours fixe la clair­ière
En espoir d’amour
Qu’Elle œuvre tou­jours
A son Joyeux Retour

Chaque jour…

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non pub­lié (2014)

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Statut : validé | mode d’édition : rédac­tion, édi­tion et icono­gra­phie | auteur : Patrick Thonart | crédits illus­tra­tions : © Domaine pub­lic.

THONART, Patrick (né en 1961) : "Quelque part dans la forêt…" (2011)

Quelque part dans la forêt,
Un ours se lèche une plaie,
Il s’est légère­ment blessé le flanc,
Sur un chemin qu’il con­nais­sait pour­tant.

Adossé au rocher, il sourit.

C’est au retour de l’amour,
Que, les yeux plein de son miel, à elle,
Il a lais­sé la branche mar­quer son ais­selle,
Pour tou­jours…

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non pub­lié (2014)

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Statut : validé | mode d’édition : rédac­tion, édi­tion et icono­gra­phie | auteur : Patrick Thonart | crédits illus­tra­tions : Dotremont – Alechin­sky © MRBAB.

THONART, Patrick (né en 1961) : "C’est la nuit, c’est le marbre…" (2011)

C’est la nuit, c’est le mar­bre,
L’homme gît près de son arbre,
Un sang pois­seux voile ses yeux.
Du pas­sage de la Géante,
Lui reste une plaie béante.
La main du cœur
Est arrachée…

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Statut : validé | mode d’édition : rédac­tion, édi­tion et icono­gra­phie | auteur : Patrick Thonart | crédits illus­tra­tions : STEICHEN Edward, Pas­toral Moon­light (1907) © Musée d'Orsay.

MELAGE (10) : "1830" (1930)

1830

Ô som­met lumineux et rouge de l'histoire,
Que la postérité, d'un geste osten­ta­toire,
   Mon­tre à la fierté des enfants !
Quand le peuple~martyr en eut gravi le faîte,
Libre de tous les jougs, ivre de sa con­quête,
Quel délire sans fin sous les cieux tri­om­phants !

   Mais, ô Lib­erté, vierge altière !
   Pour tiss­er ta sainte ban­nière,
   Com­bi­en de siè­cles dépen­sés !
   Com­bi­en d'opiniâtres batailles,
   Com­bi­en, hélas ! de funérailles
   Et de cadavres entassés !

Après l'Espagne, après l'Autriche, après la France,
Qui sont les noms hon­nis de ta longue souf­france
   Voici le nom le plus hon­ni :
Les fils des vieux Croisés devien­dront des Bataves,
Le pays de Calvin forg­era des entrav­es
Pour ce peu­ple qu'il hait et qui lui fut uni !

   Subir ce tyran minus­cule !
   Eh bien ! non, c'est trop ridicule !
   Le pays qui fut le berceau
   Des Gode­froid, des Charle­magne,
   Qui doit vain­cre un jour l"Allemagne,
   Ne peut pas subir le Nas­sau.

Nous étions à Poitiers, à Nicée, à Pavie,
Notre épée arbi­tra les des­tins de l'Asie,
   Nos lions et nos lion­ceaux
De leur griffe ont gravé ces noms : Cour­trai, Lépante,
Et leur postérité, pour trem­bler d'épouvante,
Attend d'autres domp­teurs que les pâles Nas­saux.

   Guil­laume a tué la jus­tice,
   Mais voici que le précipice
   S'ouvre sous son pied, Dieu mer­ci!
   Le vol­can pop­u­laire fume,
   Et c'est ton geste qui l'allume,
   Ô Muette de Por­ti­ci!

Jours fameux de Sep­tem­bre ! exploits des bar­ri­cades,
Où se mêlent, bra­vant mitrailles, fusil­lades,
   Tous les rangs et tous les dra­peaux !
A moi ! La lib­erté retrou­ve enfin son glaive !
Les temps sont révo­lus ! elle vivra le rêve
Qui lui prit tant de fois son sang et son repos.

   Pour des com­bats cent con­tre mille,
   Défer­lent du champ, de la ville,
   Ouvri­ers, nobles et bour­geois,
   Et le Parc rav­agé fris­sonne
   Quand paraît la bande wal­lonne
   Et Char­li­er, la Jambe~de~bois.

Quinze mille héros hol­landais sont en fuite !
Merode et ses huit cents leur fer­ont une suite
   A tra­vers la gloire et la mort !
Deux ou trois points d'arrêt : Vieux-Dieu, Berchem et Lierre,
Et déjà le lion rugit à la fron­tière,
Tri­om­phal et sanglant, l'oeil fixé sur le Nord !

   Et des mil­lions de voix loin­taines,
   Echos des coteaux et des plaines,
   Clameur d'un grand peu­ple indomp­té,
   Clameur de joie et de démence,
   Jail­lisse­ment d'une âme immense,
   L'acclament dans l'immensité.

Les cités, les hameaux, les vieilles citadelles,
Les clochers, les pignons, les don­jons, les tourelles,
   Orgueilleux de ces flo­raisons,
Bran­dis­sent dans le vent leurs dra­peaux tri­col­ores
Qui chantent, procla­mant les nou­velles aurores,
Chantent leur hymne alti­er à tous les hori­zons.

   L'Europe a par­lé d'équilibre:
   C'est bien, mais la Bel­gique est libre,
   Libre de suiv­re ses des­tins !
   Son esquif, armé d'endurance,
   Appareille vers l'espérance
   Des bon­heurs proches et loin­tains,

Salut, obscurs sol­dats de la lutte héroïque !
Le dernier d'entre vous, indompt­able, stoïque,
   Met sur nos fronts de la fierté !
Et c'est pourquoi vos fils seront unis quand même
Pour défendre sans fin le sanglant diadème
Qui couronne depuis cent ans la Lib­erté.

MÉLAGE (F.). L’âme belge. Poèmes pour le cen­te­naire. Carls­bourg, Édi­tion de la revue belge de péd­a­gogie, 1930 ; in‑4, 60 pp., broché, cou­ver­ture rem­pliée. Avec les illus­tra­tions du F. Mabin-Joseph.

"F." sig­ni­fie ici "Frère" : Les Frères des Ecoles Chré­ti­ennes (au Con­go depuis 1910) comp­tait en leur rang le frère Mélage, pre­mier biographe du frère Mutien-Marie (1841–1917), canon­isé par l'église catholique (30 jan­vi­er).

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Statut : validé | mode d’édition : partage, édi­tion et icono­gra­phie | con­tribu­teur : Patrick Thonart.

MELAGE (09) : "La Vendée belge" (1930)

La Vendée belge

Nous n'avons pas con­nu dans notre longue his­toire
De tyrans plus abjects, d'histrions plus sanglants
Que ces fameux héros du fameux Direc­toire,
Assas­sins des pays désar­més et trem­blants !

Leur lib­erté, mégère aux men­songes canailles,
N'apporta dans les plis de ses vieux ori­peaux
Que le crime et le vol de mon­stres sans entrailles
Et l'ordure à plein jets, sur ses hon­teux dra­peaux.

Ban­dits stipendiés pour des for­faits énormes,
Habiles à piller, à créer des déserts,
Ils aimaient à souiller l'honneur des uni­formes,
De tri­om­phes sans gloire et de crimes per­vers.

Des palais somptueux, de vieilles cathé­drales
S'écroulent, menaçant leurs hum­bles défenseurs,
Et dans l'air endeuil­lé mon­tent par­mi des râles,
Les rires des soudards et des démolis­seurs.

Des cloîtres que le temps de sa gloire irradie
Jonchent de leurs débris la colline et le val ;
Leur nom rouge de sang et rouge d'incendie
N'est plus qu'un son plain­tif : Aulne, Villers, Orval.

Joy­aux de l'art, tré­sor unique des ancêtres,
Reli­quaires, émaux, chan­de­liers, osten­soirs,
Où serez~vous demain, chefs‑d'oeuvre des vieux maîtres,
Dans quels creusets loin­tains ou dans quels antres noirs !

Il faut ali­menter les sanglantes lux­u­res :
Vingt-neuf chars ont traîné l'or belge vers Paris,
Il faut ali­menter les pris­ons, les tor­tures :
Les inno­cents, traqués, ne trou­vent plus d'abris.

Il faut ali­menter la république infâme :
Vides ses mag­a­sins ! vides ses ate­liers !
Pour nour­rir ses petits qu'elle haît, qu'elle affame,
La Bel­gique offrira de rich­es rate­liers.

Il faut… Force à la loi! Mais non, c'est trop inique !
Les Belges qu'on n'a point tués, tous des con­scrits ?
Tous voués aux autels du régime cynique?
Non, non ! assez d'horreurs, de morts et de pro­scrits !

Trop de prêtres mar­tyrs pour­ris­sent à Cayenne,
Trop d'hommes sont tombés sous les balles des Bleus ;
Debout, hum­bles lut­teurs ! Une aube vendéenne
Va jeter de l'espoir sous vos ciels nébuleux !

Et voici, défer­lant des huttes et des granges,
De Mae­s­ey­ck à Tour­nai, de Ter­monde à Cler­vaux,
D'étranges révoltés, munis d'armes étranges :
Des blous­es, des sabots, des bâtons et des faulx.

Sous leur dra­peau vain­queur, la Flan­dre, la Campine
Fer­ont trem­bler les assas­sins des lib­ertés,
Et c'est dans cet enfer comme une heure divine :
0 volup­té de vivre et d'être red­outés !

Ils devront affron­ter la sci­ence et le nom­bre,
Mais les périls plus grands font les exploits plus beaux :
Le mas­sacre est au bout de la bataille som­bre,
la croix des mar­tyrs luira sur les tombeaux.

Mar­tyrs, ceux qui suiv­aient Cor­beels, Waha, Loupoigne,
Qui lut­taient en pri­ant et qui savaient mourir !
Mar­tyrs, ceux de Has­selt, de Stavelot, de Soigne,
Et ceux~là qui dis­aient : « Je ne sais pas men­tir » !

Mais le geste écla­tant des hum­bles épopées
Souf­flette le tri­om­phe igno­ble des bour­reaux,
Et les charniers sanglants faits de têtes coupées
Devi­en­nent des autels où mon­tent les héros ;

Et c'est un fier tombeau que la bruyère ardente,
Où rêve longue­ment le sou­venir béni,
Où se recueil­llerait le coeur pro­fond du Dante
En regar­dant prier l'horizon infi­ni.

MÉLAGE (F.). L’âme belge. Poèmes pour le cen­te­naire. Carls­bourg, Édi­tion de la revue belge de péd­a­gogie, 1930 ; in‑4, 60 pp., broché, cou­ver­ture rem­pliée. Avec les illus­tra­tions du F. Mabin-Joseph.

"F." sig­ni­fie ici "Frère" : Les Frères des Ecoles Chré­ti­ennes (au Con­go depuis 1910) comp­tait en leur rang le frère Mélage, pre­mier biographe du frère Mutien-Marie (1841–1917), canon­isé par l'église catholique (30 jan­vi­er).

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